Adieu aux mythes des années 2000 (« Lost » et « 24 heures chrono »), suprématie de « Mad Men », rapprochement avec le cinéma : la série n’a jamais connu d’horizons plus ouverts avant de se lancer dans la décennie à naître.
En 2010, l’amateur de séries, qui ne cache plus sa passion (souvenez-vous, il y a dix ans, ce que répondaient vos amis quand vous disiez aimer ça !), a eu plusieurs bonnes raisons de s’extasier, de hurler, de pleurer et finalement de réfléchir à l’avenir de sa forme artistique préférée.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les séries (américaines, tant celles-ci dominent tout palmarès qui se respecte) ont perdu leurs complexes, c’est un fait acquis. Elles alimentent les séminaires d’universités et les conversations de files d’attente dans les supermarchés. Elles inondent la vie culturelle comme jamais. Mais traversentelles toujours ce qu’on appelait encore récemment un « âge d’or » ? La réponse se révèle ambiguë.
adieu Lost et 24 heures chrono
L’année restera d’abord dans les annales pour ses enterrements en grande pompe. Lost et 24 heures chrono, deux emblèmes de la décennie 2000, et donc de cet âge d’or, ont achevé leur course à quelques heures d’intervalle en mai. Toutes deux venaient de la grande époque où les networks américains (grandes chaînes : ABC, CBS, NBC, Fox, CW) rivalisaient d’ambition.
En six saisons, Lost, armée de ses boucles temporelles vertigineuses, a redéfini la série fantastique, tout en s’inscrivant dans la lignée des grands feuilletons/ mélos contemporains. L’épisode final a tenu le monde (et internet) en haleine.
24 heures chrono, quant à elle, laisse davantage de sceptiques sur ses dernières années. Mais sa conclusion en forme d’adieu amer à Jack Bauer reste un grand moment. Désormais, le calme plat règne sur les networks, où aucune nouveauté n’a émergé depuis la délicieuse Glee en 2009. Dr House reste une valeur sûre et Desperate Housewives fait ce qu’elle peut. On aime bien The Good Wife et Life Unexpected.
l’année du câble et de Mad Men
Qui n’a pas entendu parler de la mélancolie sixties de Mad Men ? La création de Matthew Weiner a franchi un nouveau cap et s’impose comme un phénomène dans la pop culture mondiale. Des sites exaltent à n’en plus finir la garde-robe de Don Draper ou de son ex, Betty.
Les antiquaires se frottent les mains. La raie sur le côté pourrait bien effectuer son grand come-back. Et, finalement, très peu de monde regarde – un million de personnes en moyenne à chaque épisode sur AMC. Ce malentendu n’empêche pas Mad Men de rester géniale et surtout de provoquer l’émulation.
Les productions venues du câble américain atteignent de manière répétée un niveau exceptionnel. En premier lieu l’incroyable Breaking Bad (AMC, quatrième saison à venir) et son prof de chimie cancéreux devenu dealer.
Moins en vue médiatiquement que sa congénère, cette tragédie donne pourtant l’impression de déployer minutieusement un récit établi de manière inéluctable dès ses premières images, il y a plusieurs années. Une série narrativement pure, autant que la came vendue par son héros.
ciné/télé : la grande fusion ?
Un comateux qui se réveillerait en 2010 n’en croirait pas ses yeux : autrefois considérée comme la deuxième division à Hollywood, la série télé attire les auteurs de cinéma.
Tendance lourde. « Les frontières n’existent plus pour moi », explique le directeur de la programmation de HBO, Michael Lombardo. Quatre jours après son oscar du meilleur film (Démineurs), Kathryn Bigelow signait avec lui pour réaliser un pilote – il a finalement été refusé !
Vingt-six ans après Deux flics à Miami, Michael Mann achève en ce moment le tournage du premier épisode de Luck, dans l’univers des courses de chevaux, avec Dustin Hoffman.
Toujours pour HBO, Martin Scorsese himself a posé un orteil dans le genre en réalisant le très cher pilote de Boardwalk Empire, une saga sur l’Amérique de la prohibition.
Monsieur Casino a appliqué ses propres méthodes et le résultat ressemble à un minifilm. Si l’on peut se poser des questions sur la viabilité à long terme de cette approche, les faits sont là : ciné et télé se tiennent la main. La preuve, la bombe de l’année, The Walking Dead (AMC), doit tout au réalisateur Frank Darabont (La Ligne verte). Qui sera le suivant ?
Olivier Joyard
{"type":"Banniere-Basse"}