Le drame historique anglo-américain Mr Selfridge marque le retour de l’acteur Jeremy Piven (Ari Gold dans Entourage). Une déception, malgré un charme évident.
Nous l’avons suivi à la trace entre 2004 et 2011 pendant les huit saisons d’Entourage – dont quelques-unes de trop, il faut bien le reconnaître. Dans cette série HBO sur les coulisses d’Hollywood, Jeremy Piven a incarné une idée des années 2000, à travers son personnage d’agent survolté, le bien nommé Ari Gold. Une idée de l’époque peu reluisante, fondée sur le goût du pouvoir, du mensonge et de l’argent, mais néanmoins irrésistible et pleine de swing.
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Ari Gold parlait vulgairement et très vite, un peu trop vite pour ses contemporains en général et ses proches en particuliers, victimes vaguement consentantes de ses monologues enragés. Second rôle dans les premiers épisodes, il était devenu peu à peu le héros incontournable de la série, pour cause de génie évident. Ari Gold personnifiait l’image type, à la fois repoussante et fascinante, d’un monde compliqué et agressif : le nôtre. Il s’est finalement imposé comme l’un des connards les plus ambigus et jouissifs de toute l’histoire des séries. De quoi se souvenir de lui pour quelques années encore.
On attendait Jeremy Piven au tournant pour son premier rôle important post- Entourage. Le voici dans la peau d’un autre bonimenteur, Harry Selfridge, fondateur au début du siècle dernier du grand magasin du même nom. Ce self-made man américain était venu chercher à Oxford Street, en plein coeur de Londres, la recette du succès. Il a fini par régner sur les fashionistas de la capitale britannique, avant même que le terme ne soit inventé.
« Nous allons révolutionner la mode », lance-t-il joyeusement dans le premier épisode de Mr Selfridge. A ce moment précis, l’amateur reconnaît aisément le sourire carnassier et enjôleur de Jeremy Piven, la séduction de celui qui est capable de tout vendre, n’importe quoi, n’importe quand, y compris en portant un collier de barbe et un haut-de-forme, comme c’est le cas ici. Serait-il même capable de nous faire prendre une série pas férocement innovante pour la nouvelle bombe venue d’Angleterre et une concurrente crédible à Downton Abbey ? Cela reste à voir.
Malgré ses atours plutôt excitants – amour, fringues et drame historique se côtoient ici avec joie -, Mr Selfridge met un certain temps à trouver une vitesse de croisière intéressante. Et quand elle la trouve, ce n’est jamais pour atteindre les cimes. Coproduite par l’Amérique (PBS) et l’Angleterre (ITV), elle bénéficie pourtant des scénarios du solide Andrew Davies, qui a notamment coécrit la House of Cards originale il y a une vingtaine d’années et les deux Bridget Jones. Un pilier de la fiction britannique, pour résumer. Mais ce CV ronflant ne fait pas de lui un Emile Zola en puissance. Pour mémoire, Zola a écrit le classique Au bonheur des dames, inspiré de l’histoire du Bon Marché, auquel on ne peut s’empêcher de penser ici, tout comme on pense à The Paradise, la série qu’en a tiré l’année dernière et avec succès la BBC.
Un peu prude, Mr Selfridge manque singulièrement de panache et d’audace, un défaut paradoxal quand il s’agit de scruter le parcours d’un homme d’affaires hors normes. Certaines intrigues gentilles, voire lisses, forment une brume fictionnelle assez déplaisante. Quand le jour se lève enfin, Mr Selfridge atteint une certaine lascivité, voire une forme d’élégance. Mais l’élégance et le style n’ont pas toujours grand-chose à voir.
A l’image de Jeremy Piven, qui hésite constamment entre le surjeu et une vision plus sobre de son personnage, Mr Selfridge cherche un équilibre qu’elle ne trouve pas. On la regardera donc par pure nostalgie ; soit pour admirer le look du début du XXe siècle, soit pour retrouver quelques traces évaporées du personnage d’Ari Gold.
Mr Selfridge, saison 1 (dix épisodes) à partir du 2 juillet, 20 h 45, OCS Max
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