Au coeur d’une année déjà riche en bonnes séries, Boss s’est imposée comme l’une des meilleures, scrutant l’âme perdue d’un maire de Chicago véreux condamné par la maladie. Son créateur Farhad Safinia détaille ses intentions.
Comment Boss est-elle née ?
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Farhad Safinia – Par l’entremise de mon agent, j’ai eu la chance de rencontrer Kelsey Grammer, sans projet précis. Je me suis retrouvé face à cet acteur très célèbre, réputé pour ses rôles comiques (dans Cheers et Frasier – ndlr). J’avais des préjugés, mais au fil des minutes j’ai été frappé de voir la somme de pathos, la profondeur, la gravité qu’il trimballait avec lui. J’ai tout de suite repensé à mon envie d’écrire une version contemporaine du Roi Lear, désir qui remonte aux années 90, quand j’habitais en Angleterre. Cette histoire fait partie de moi comme les récits de Victor Hugo pour les Français. Ma vision de Lear était celle d’un personnage dur, qui ne se vautre jamais dans l’apitoiement. Je l’imaginais rempli de rage devant la réalité d’un royaume qui lui échappe. Quand je lui en ai parlé, Grammer s’est mis à réciter des passages de la pièce par coeur. J’ai écrit une première version dans la foulée…
Gus Van Sant a ensuite rejoint la série.
Nous avons rencontré Gus à New York, après une représentation de La Cage aux folles dont Kelsey était la star. On a parlé jusque tard dans la nuit. Gus nous a expliqué son envie de mêler un certain souffle épique à une exploration de l’intimité, en alternant des plans très larges et des vues très rapprochées. Il employait les mots « grandeur » et « secret ». Le style visuel de Boss est né ce jour-là. Nous avons rencontré les principales chaînes du câble. Starz était en compétition avec deux autres réseaux, mais son patron Chris Albrecht a eu l’argument qui tue : il a commandé directement une saison entière.
Votre héros est un politicien corrompu, atteint d’une maladie neurodégénérative. Métaphoriquement, sa maladie est-elle celle de l’Amérique et de sa puissance déchue ?
Tom Kane est le maire d’une ville très particulière, Chicago, qui symbolise l’Amérique et son ambition. Aux États-Unis, on respecte l’ambition, mais il y a forcément un côté obscur. Les moyens employés pour réussir peuvent être contestables. Le personnage de Kelsey Grammer a conclu un pacte faustien, qui engage son pays. Mais je ne dirais pas que sa maladie est uniquement celle de l’Amérique. Un roi qui perd son royaume, c’est une histoire partagée par tous. Que ce soit pendant la Renaissance ou un peu plus tard en France, les personnages corrompus ont toujours existé.
Boss se montre très pessimiste sur la possibilité d’exercer le pouvoir aujourd’hui sans corruption. Pourquoi êtes-vous si sombre ?
Je vais au bout de mes idées ! Certains créateurs de séries hésitent, mais moi je me fous que mon personnage principal soit un mec avec qui on a envie de prendre une bière. Rien dans mon contrat ne stipule cela… Même si je considère Boss comme de l’entertainment, même si j’ai envie de montrer une lumière au bout du tunnel, j’ai voulu créer un monde de pure tragédie. Et dans la tragédie, les bonnes intentions sont rares. Dans Le Roi Lear, il y a bien la parfaite Cordelia, mais je n’ai jamais vraiment cru en elle…
La deuxième saison de Boss est diffusée actuellement aux Etats-Unis. Les audiences sont moyennes. Quel est l’avenir de la série ?
J’adorerais aller au bout du trajet de Tom Kane. Le choix de renouveler Boss pour une troisième saison est entre les mains de la chaîne Starz. Notre liberté a été totale jusqu’à présent. Les dieux du commerce décideront de la suite !
Boss saison 1 sur Orange Ciné Novo, à partir du 16 septembre, 13 h 30
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