Après la saison 3 où l’héroïne Virginia Johnson assénait qu’elle et son partenaire incarnaient la révolution sexuelle, les enjeux de la saison 4 se portent sur l’éveil d’une épouse modèle au féminisme radical.
La série de Michelle Ashford, adaptée de la vie réelle du couple Virginia Johnson et Bill Masters (les premiers scientifiques à se pencher sur la sexualité humaine), avait séduit intensément lors de sa première saison située dans les années 50. On y voyait ce couple découvrir la notion de symbiose : lui, homme marié et médecin, et elle, mère célibataire sans diplôme, étaient parfaitement raccord au niveau de la recherche et de leurs expériences sexuelles. Les tétons pointaient, les vibromasseurs s’équipaient de caméra, les orgasmes à l’écran se multipliaient.
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Puis dans les saisons 2 et 3, le couple s’effritait sous nos yeux, Bill bandait mou, Virginia tombait amoureuse d’un autre homme et perdait la garde de ses enfants. La promesse de cette saison 4 repose donc sur les retrouvailles entre les deux scientifiques et son premier épisode remplit le contrat, puisque Bill et Virginia se rejoignent dans le manoir Playboy de Hugh Hefner, pour parler business. La tension sexuelle reste palpable entre les deux et pourtant l’excitation ressentie pendant cet épisode semble s’être déplacée de l’érotisme irradiant de Virginia Johnson (et de sa divine actrice Lizzy Caplan) à l’effervescence politique qui palpite durant l’épisode.
L’émergence du féminisme radical
De manière surprenante, celle-ci se développe à travers un personnage secondaire. Le personnage de Libby, la femme trompée de Bill Masters, avait été jusqu’alors, comme dans son mariage, effacée. Une sorte de bouche-trou scénaristique qui avait éveillé l’intérêt lorsqu’elle était tombée amoureuse d’un activiste noir. La saison 4 de Masters of Sex s’annonce chaude non pas parce que la belle blonde va connaître de nouveaux émois sentimentaux, mais parce qu’elle se frotte au féminisme radical qui émerge aux Etats-Unis à cette époque.
La créatrice Michelle Ashford prend les spectateurs par la main. Elle nous fait découvrir, à travers les yeux de Libby l’ingénue, les questions sociétales apparues au tournant des années 70, nous donnant au passage une petite leçon d’histoire du féminisme. Libby se retrouve dans une réunion de femmes qui partagent leurs histoires entre elles, pour mieux se comprendre sans “la pression et l’interférence de la société patriarcale”, comme l’explique la leader du groupe de parole, Anita (interprétée par Alysia Reiner déjà excellente dans Orange Is the New Black).
La non-mixité choisie est montrée comme centrale pour la libération de la parole des femmes, afin qu’elles prennent conscience des pratiques d’oppression, les définissent et organisent une lutte. L’épisode effectue une mise au point pédagogique, dans une ambiance patchouli, décortiquant dans un langage simple la nécessité de la non-mixité pour faire avancer les mœurs. Ces explications font écho aujourd’hui, presque quarante ans plus tard, au discours tenu par exemple durant les réunions féministes non mixtes du mouvement Nuit debout, souvent mal compris, ou au « camp d’été décolonial » de cet été qui a fait couler beaucoup d’encre.
Les soutifs à la poubelle
Dans une scène marquante du premier épisode, la trop sage Libby, un peu tête à claque, explique à Anita, qu’elle n’est pas comme les autres femmes présentes. Elle évoque un moment de l’actualité de l’époque, le “Miss America Protest” : lors de l’élection Miss America à Atlantic City en 1968, 400 féministes avaient déversé dans des “poubelles à liberté” des accessoires représentants, à leurs yeux, l’asservissement des femmes : des faux-cils, des serpillières, des talons, des magazines féminins et des soutiens-gorge. Libby trouve cela “idiot”, pour elle c’est “un geste inutile”. Anita explique alors à Libby que ces femmes ont jeté leurs soutifs à la poubelle pour s’opposer à une industrie détenue et exploitée par les hommes, conçue pour réprimer les femmes et leurs poitrines, qui au passage génère des millions de dollars. Mais elles n’y ont jamais mis feu concrètement (la police ayant interdit de fait du feu dans les poubelles sur la voie publique).
La série rectifie ici la construction du mythe coriace autour du “bra burning”, symbole aujourd’hui associé à la cause féministe. Convaincue par cette rapide initiation à la pensée féministe, Libby accepte d’enlever son soutien-gorge et laisse ses seins libres sous son T-Shirt vert. Son geste n’est pas sexuel mais politique. Les tétons se remettent à pointer dans la série non plus pour la recherche scientifique et sexuelle, mais pour symboliser une autre forme d’émancipation des femmes.
Dans ce même élan, les personnages féminins du début de cette saison 4 libèrent leurs poitrines tout en se mettant à porter la culotte. Libby décide de divorcer et d’acquérir pour la première fois une forme d’indépendance. Virginia essaye de s’émanciper de Bill, elle veut écrire sa propre chronique pour le magazine Playboy et éduquer le lectorat masculin avec sa plume, tout en reprenant son propre bureau dans la clinique Masters et Johnson’s.
Pas de nudité dans ce premier épisode, pas de sexe non plus, ce qui annonce peut-être une saison plus audacieuse que sulfureuse.
12 septembre Masters of Sex, saison 4 (OCS)
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