Condensé pop et kitsch de tous les stéréotypes de la série adolescente, « Riverdale », à mi-chemin entre le high school show et le récit policier, oriente sa deuxième saison vers des territoires inattendus. (Spoilers)
Cet article comprend des révélations sur la série Riverdale.
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L’hiver dernier, la première saison de Riverdale, adaptation par The CW network des aventures des personnages Archie Comics (célèbre éditeur américain fondé en 1939) avait reçu un accueil contrasté. Marqué par la patte très teen de la chaîne, également aux commandes des séries Arrow ou The Flash, l’avatar télévisuel de ce Club des cinq sauce US agglomérait tous les motifs de la fiction adolescente et en poussait les ressorts dans le rouge.
https://youtu.be/DLYJmxY20fs
Le spectateur découvrait ainsi, au choix, un objet calibré à outrance déployant tous les artifices possibles pour séduire son public-cible, ou une série méta et maligne consciente de sa dimension excessive. Si l’accumulation de clichés peut effectivement rebuter le nouveau venu, un charme mystérieux et un brin vénéneux nous a maintenu dans le sillage de ces lycéens apprentis détectives en baskets, ballerines et Louboutin, dont la petite ville pétrie de secrets ea encore bien de sombres histoires à livrer.
Ce qui nous lie
La première saison s’était ouverte, en un écho évident à Twin Peaks, par la découverte du cadavre de Jason Blossom dans la rivière voisine. La mort de ce lycéen modèle, capitaine de l’équipe de foot et héritier de la famille de notables locaux, faisait l’effet d’un tremblement de terre dans la ville en apparence paisible de Riverdale. Au-delà d’une enquête policière aux rebondissements feuilletonesques, elle remuait un terreau local chargé de rivalités et de rancœurs, transformait la géographie urbaine en Cluedo géant et les lycéens modèles Archie, Betty, Veronica, Kevin et Jughead en enquêteurs hors pairs.
https://youtu.be/eIEJr4z6HPI
Rythmés par les événements incontournables de la vie scolaire américaine (rentrée, sélections sportives et bal de fin d’année), microcosme impitoyable obsédé par l’apparence, les treize premiers épisodes n’épargnaient pas les adultes, dépeints comme des lycéens qui auraient pourri au lieu de grandir. À travers l’entrelacs complexe de relations et d’affects entre leurs personnages, ils esquissaient également une réflexion inattendue sur ce qui, de la solidarité à la haine et des traditions aux chocs collectifs, cimente tant bien que mal une communauté par un récit commun.
L’ère du déraillement
Le mystère entourant la mort de Jason ayant été résolu, la menace prend dans les nouveaux épisodes la forme floue d’un tueur en série cagoulé décidé à nettoyer Riverdale de ses « vices« , dont seuls les yeux d’un vert éclatant hantent les témoins. Parmi eux, Archie, dont le père a frôlé la mort suite à une altercation avec l’inconnu et qui, rongé par le ressentiment et la culpabilité, met en place une patrouille de vigilentes qu’il baptise « Cercle rouge« .
https://youtu.be/cDlbZMwZfpU
Le beau rouquin un peu lisse de la saison 1, lycéen modèle à la fois artiste et sportif, semble se muer en justicier paranoïaque, glissement qui fait échos aux transformations de ses camarades. Betty prend ainsi de l’épaisseur quand Veronica entre en guerre froide avec ses parents, Kevin flirte avec le danger et Jughead se frotte à son héritage gangster. La cohésion de la bande est ainsi mise à mal par ces modulations parallèles, qui révèlent probablement le dessein sous-jacent de ce nouvel arc : jusqu’où peut-on tordre son caractère sans perdre son identité ?
Derrière le vernis, une angoisse terrifiante
L’identité est d’ailleurs l’ingrédient clef de la fascination retorse exercée par Riverdale. Certes, cette séries des 2010’s qui déploie un univers 50’s dans une structure de série 90’s ne cache ni ses influences (Glee, Gossip Girl et, on l’a dit, Twin Peaks), ni sa volonté de travailler au corps le fantasme. Mais au-delà des néons et voitures vintage, des pom pom girls et joueurs de foot populaires se niche une inquiétude sourde. Derrière les personnages stéréotypés incarnés par des acteurs évidemment plus âgés et vêtus comme dans une soirée huppés du Lower East Side se terre une angoisse. Et malgré le nivellement quasi-comique des enjeux (à Riverdale, on enquête sur un meurtre comme on organise une soirée d’anniversaire), en dépit de l’avalanche de références méta (les clins d’œil visuels abondent, les épisodes portent des titres de films, les personnages des patronymes évocateurs – coucou la famille Cooper), quelque chose trouble, qui échappe probablement aux créateurs du show.
https://youtu.be/OyA3M6lEVpw
Betty, Archie, Veronica et les autres sont des gamins trop murs pour leur âge, des teenagers coincés dans des corps d’acteurs pornos, empêtrés dans leurs tenues réglementaires (l’un ne quitte jamais son teddy de sport, l’autre semble vivre avec son bonnet) et condamnés à embrasser ad nauseam la partition éculée qui leur a été allouée. Il sera le beau gosse populaire, elle campera la girl next door. Elle rentrera dans les tenues chic et improbables de la peste du lycée, il rejouera le meilleur ami gay. Entourés d’adultes échappés d’autres shows à succès (dont Luke Perry, le Dylan McKay de Beverly Hills et Mädchen Amick, la Shelly Johnson de Twin Peaks), ils semblent, entre répliques hyper-référencées et crises personnelles, prendre peu à peu conscience de leur statut de personnages.
Empêtrés dans la trame de la fiction, ils paniquent et se débattent avec leur identité, et tentent par tous les moyens d’en sortir, en traversant la rivière, en brûlant la maison familiale ou en trouant la glace d’une rivière gelée comme on percerait la membrane d’une réalité. Pour une série hantée par la disparition, et visant un public adolescent, âge inconfortable entre tous, ce n’est pas anodin. Et c’est peut-être même brillant.
Riverdale saison 2, tous les jeudis sur Netflix.
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