The Big C traite un sujet ardu, le cancer, avec humour et intelligence. L’actrice et productrice Laura Linney nous explique comment.
Une série dont l’héroïne apprend au premier épisode qu’elle souffre d’un mélanome à un stade très avancé ne fait peut-être pas envie à tout le monde. Diffusée depuis 2010 sur Showtime, la chaîne de Weeds et de Nurse Jackie, The Big C réussit à se dépêtrer d’un pitch anxiogène pour proposer une plongée drôle et dure dans la vie d’une femme de 45 ans. Vue chez Eastwood notamment (Les Pleins Pouvoirs) et dans The Truman Show, l’actrice Laura Linney y est pour beaucoup. Elle a répondu à nos questions.
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Une série sur le cancer, a priori, ça ne donne pas envie.
Laura Linney – Je n’avais aucune envie de faire une série télé, mais quand j’ai lu le script du pilote sur les conseils de Bob Greenblatt, l’ancien président de Showtime, j’ai trouvé un écho à de nombreuses questions qui me traversaient l’esprit à ce moment-là, notamment autour du temps : celui qu’il nous reste, celui qu’on perd. Beaucoup de mes amis sont morts jeunes. En même temps, en Amérique, il y a un dédain énorme par rapport au fait de vieillir. Je trouve cette logique folle. Pour moi, c’est un privilège de vieillir. Je pensais à tout ça, j’y voyais un beau terreau de fiction. Au-delà du cancer dont elle souffre, je considérais l’héroïne de The Big C comme une femme qui doit gérer le temps qu’il lui reste. Je me suis dit que ce serait peut-être un projet intéressant dans lequel m’impliquer. Et j’ai dit oui !
Comment faire d’un sujet aussi lourd une comédie ?
La série foisonne de répliques cinglantes qui appartiennent à sa créatrice, Darlene Hunt. Cette femme possède un humour étrange et piquant. Le ton général de The Big C se transforme et s’assombrit au fur et à mesure des épisodes et des expériences de Cathy, mon personnage, mais nous faisons face en permanence au même défi : la pression du sujet d’un côté, et la pression de l’humour de l’autre. C’est un drôle de mélange. J’ai vraiment été étonnée que la série puisse exister avec cette thématique dans un contexte comique. Cela surprend les gens, car on réserve plutôt les maladies aux drames. Mais ce changement de perspective me semble plutôt sain.
Je pense que la meilleure façon de faire face à la vérité, c’est d’en rire. Se trouver confronté au cancer et à la perte possible de sa propre vie exige aussi de savoir s’en moquer. C’est une manière supportable de prendre la réalité en plein visage. On organise le chaos émotionnel en soi avec l’humour. Pour autant, la série n’écarte pas la question de la douleur, mais elle la traite de biais. Pour résumer, le cancer est le contexte de The Big C, la comédie son arène et le temps, sa colonne vertébrale.
Vous êtes aussi productrice de The Big C. Comment se passe le travail concret ?
C’est une des raisons pour lesquelles j’ai accepté le rôle. En gros, cela signifie que je ne suis pas obligée de la boucler. Si quelque chose ne me plaît pas, je le dis. Je fréquente les plateaux depuis vingt-cinq ans, ce qui n’est pas le cas des cadres de la chaîne. Je vois des choses qu’ils ne remarquent pas. Je m’implique dans le casting (j’ai par exemple suggéré l’acteur qui joue mon frère, John Benjamin Hickey), je discute avec les scénaristes, j’assiste aux réunions de production. J’adore ça. Je ne dors pas beaucoup, mais ça ne dure que trois mois et demi par an !
L’immédiateté de la télévision me plaît. Ce qui me plaît aussi, c’est d’interpréter un personnage de femme aussi complexe. Le fait que Cathy ait plus de 40 ans ne change pas grand-chose pour moi, c’est comme si vous me disiez qu’il y a plein de séries avec des mecs quadras ! Comme pour n’importe quelle création, si les personnages sont bons, je suis contente. Mais c’est vrai, les chaînes du câble, et notamment Showtime, ont la sagesse de ne pas gâcher les talents qui existent et ne sont pas toujours utilisés ailleurs.
Recueilli par Olivier Joyard
The Big C, le 1er décembre à 1 h, puis tous les jeudis à 22 h 20 sur Canal+
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