« L’arme fatale », « MacGyver », « Fuller House »… l’heure est au remake et au reboot. Comme le démontre le récent succès de « Stranger Things », réécritures et révisions constituent désormais la politique d’un médium pourvoyeur de nostalgie. Au rayon des reliques, c’est désormais au tour de « Dynastie » de subir un dépoussiérage en bonne et due forme.
En 2012 débarquait sur les écrans la « nouvelle génération » de Dallas, la fresque télévisuelle créée par David Jacobs en pleine ère reaganienne. Cette suite tardive recyclait une vieille recette en l’agrémentant de nouveaux ingrédients – comme évoquer l’assassinat de J.F. Kennedy – et ne fut pas la poule aux œufs d’or escomptée par la chaîne TNT. Faute d’audience, elle fut annulée au bout de quarante épisodes seulement.
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Qu’à cela ne tienne, à l’heure de Game of Thrones, Josh Schwartz et Stephanie Savage (les producteurs de Gossip Girl) croient encore aux bons vieux fantasmes de l’Amérique et comptent renouveler le show prime-time qui concurrença des années durant le clan Ewing : Dynastie.
Dynastie, c’est l’Amérique
https://youtu.be/AVu01ShJ5qA
« Un infirme pourcentage de paillettes et de gloss« , et une bonne dose de noirceur, voici la recette de ce reboot, si l’on en croit CinemaBlend. Le topo ? Il est bien connu : la lutte entre deux familles de l’upper class, les Colbys et les Carrington, sur fond d’or noir et de caviar. Trente-cinq ans après la diffusion du premier épisode sur ABC, la dynastie est encore cet univers impitoyable, romancé en coups bas, egos surdimensionnés et manigances politiques.
Il est donc logique de voir les instigateurs de Gossip Girls, récit girly de l’élite new-yorkaise, investir un tel matériau. La série originelle est essentiellement féminine : on se souvient encore des gifles que s’assénaient les rivales Krystle Jennings Carrington et Fallon Carrington Colby. Belle-mère calculatrice, Krystle devait être la J.R Ewing de Dynastie, cet personnage charismatique sur lequel repose tout un univers. Quid de ce cliché de battante invulnérable, inspirant les femmes d’affaires des années 80 (working girls), à l’heure du néo-féminisme de la série Girls ?
La compagnie The CW (Smallville, Les Frères Scott, Green Arrow) s’attaque ici à une série fantasmagorique, née de la fascination de ses créateurs, Esther et Richard Shapiro, pour le mode de vie des riches, et surtout – dramaturgie oblige – la façon dont ces derniers brisent les règles du jeu social, façonnent leur monde et détruisent ceux qui les entourent.
En ce sens, l’épisode The Moldavian Massacre (qui porte bien son nom), accentuera jusqu’au chaos total ces tensions – provoquant auprès du public et de la presse autant de retentissement que la séquence du Red Wedding dans Game of Thrones. Ancrée dans son époque, Dynastie, bien que déployant un decorum de montagnes Rocheuses, met en relief un cataclysme urbain, à savoir la situation économique des Etats-Unis, et en particulier l’émergence de la culture yuppie aux débuts des eighties – terme sociologique instauré par Peter York et progressivement employé pour désigner les requins de la finance investissant les grandes métropoles.
Dynastie à l’heure de Donald Trump
Au fil des saisons, Dynastie multipliera les incongruités sous couvert de pétrole abondant, comme pour mieux annoncer le règne de l’homme qui fit ses armes en ce domaine : le texan Bush Senior. Mais à la revoyure, la série semble hantée par le spectre d’un milliardaire « plus grand que la vie » : Donald Trump. En pleine apogée du show qui fait le plein de téléspectateurs, l’homme d’affaires fait construire la Trump Tower à New York.
Comme le précise The Sun, Trump passe au milieu des années 80 des castings pour apparaître dans la série à succès… et se fait recaler. Le chantre du capitalisme rétorquera à l’actrice principale Joan Collins : « Mais pourtant je SUIS Dynastie ! » La série s’arrête en 1989, peu avant le déclin financier de son empire – dû à la chute du marché de l’immobilier. Entretemps, Trump s’est engagé au sein du Parti républicain.
En 2016, Dynastie revient, alors que le magnat est devenu une figure ultramédiatisée, au centre des primaires présidentielles républicaines. Consciemment ou non, ce reboot contemporain fait sens face aux gesticulations du populiste.
Série plus moderne qu’il n’y paraît, Dynastie fut l’un des premiers shows américains à consacrer une place récurrente à un personnage homosexuel – celui de Steven Carrington. Figure majeure de la production télévisuelle américaine, Aaron Spelling est l’homme derrière Starsky et Hutch, Drôles de dames et La croisière s’amuse. Le premier pitch qu’il fit de Dynastie annonçait déjà les grandes heures de la télé-réalité, ou junk tv : Spelling souhaitait filmer en caméras cachés et en temps réel le quotidien des grandes fortunes.
Il faudra attendre 89, soit la fin de la série, pour qu’apparaisse sur la NBC la série documentaire COPS, premier grand modèle de ce sous-genre télévisuel. Suite à l’arrêt de Dynasty, qui en son âge d’or attirait plus de quarante millions téléspectateurs, Aaron Spelling deviendra le spécialiste du soap opera pour ados, avec les succès consécutifs de Beverly Hills 90210, Melrose Place et Sept à la maison. Le retour de Dynastie permet le prolongement de ce patrimoine, qui conférât au soap opera une partie non négligeable de son ADN.
Entre modernité et kitsch
Type de divertissement mélodramatique cumulant les ressorts narratifs farfelus, les cliffhangers et les sentiments excessifs, le soap opera a dernièrement été remis au goût du jour par le réalisateur Lee Daniels. En créant Empire, Daniels souhait édifier le seul et unique « Dynastie black« . Marchant sur ses pas, les têtes pensantes de ce reboot actualisent le personnage de Cristal, qui, de blanc, devient hispanique. L’idée de cette révision actuelle est donc d’instaurer des enjeux sociaux à partir d’un matériau brut reconnu pour être la quintessence du rocambolesque -– entre usurpations d’identités, bagarres abruptes, luxe démesuré, voire carrément… trésor caché par les nazis et enlèvement extraterrestre !
Refaire Dynastie, c’est enfin répondre au goût des Millenials pour la télévision cheesy, cette grammaire ringarde caractérisant les produits culturels des années 80. Régulièrement, des maisons de production aux créations virales comme Adult Swim tournent en dérision cette passion de la génération Youtube pour les séries vintage – en témoigne le délire buzzesque Too Many Cooks.
Modèle de kitsch, supervisé par le styliste Nolan Miller, qui produisit pour la série une grande quantité de robes, lingerie, manteaux, vestes, Dynastie est en ce sens tellement datée qu’elle en est atemporelle. The Guardian en fait le parangon du glamour cartoon, un reflet irréel des habitudes vestimentaires de son temps. Une série de haute couture, dont la garde-robe est à renouveler.
Après Dallas et Dynastie, jusqu’où ira cette logique de modernisation du paysage audiovisuel américain ? Très loin à n’en pas douter, puisqu’un reboot de Perry Mason, dinosaure de la culture télévisuelle, est prévu depuis quelques années déjà. Gageons que l’ironie de Robert Downey JR insufflera à ce classique de la série judiciaire un chouia de peps 2.0.
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