Au rayon des séries vintage, « Rawhide », avec ses cow-boys, ses diligences, et la longue silhouette de Clint Eastwood, alors peu connu. La série sort en DVD.
A part la voix du cow-boy emphatique qui s’égosille sur le générique (« Cut’em out, ride ’em in, Raw-hiiiiiiiide… »), repris plus tard par les Blues Brothers, il nous restait peu de souvenirs de cette série sixties, engloutie dans le flou des dimanches après-midi passés devant la télé ; et d’ailleurs, n’était-ce pas plutôt Les Mystères de l’Ouest ? Bonanza ? Le Virginien ? A la télévision triomphante des années 1960, les séries western avaient le vent en poupe, elles venaient de prendre le relais du cinéma.
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Alors que le genre entamait sa période de doute sur le grand écran, les séries le reprenaient au début ou presque, dans sa ligne claire et mythologique. Diffusion du premier épisode de Rawhide : janvier 1959. Sortie de Rio Bravo d’Howard Hawks dans les salles américaines : avril 1959. Troublant croisement temporel.
Pendant que les trois cow-boys fatigués d’Hawks savouraient simplement le plaisir de passer du temps ensemble en marchant du saloon à l’hôtel et de l’hôtel à la prison avec la décontraction de ceux qui n’ont plus rien à prouver, les jeunes loups de Rawhide s’attaquaient gaiement à la conquête de l’interminable piste de Sedalia, reliant le Texas au Missouri. Ils y croyaient encore. Et il leur faudrait une bonne dose d’innocence et d’inconscience pour se lancer dans une telle chevauchée : à raison d’une trentaine d’épisodes par saison, ils n’atteindraient leur but qu’aux alentours de l’épisode 70, mais la série elle-même en compterait en tout plus de deux cents, étalés sur près de huit ans.
Clint tente de se donner une contenance en scrutant le lointain
Forcément, une des premières choses que l’on guette, c’est l’apparition du jeune Clint Eastwood, 28 ans au début de la série. On le repère au bout de quelques instants du premier épisode, au fond du plan, longue silhouette blonde et lisse perdue dans un groupe de cow-boys. Ils se rapprochent et discutent ensemble de l’approche d’une diligence. On n’a pas attribué à Clint de ligne de dialogue, alors il tente tant bien que mal de se donner une contenance en scrutant longuement le lointain, se protégeant du soleil avec la main. Il ne sait pas alors que ce froncement des yeux deviendra une de ses signatures, plus tard associé à un rictus de la bouche.
Mais Eastwood est loin d’être un figurant dans Rawhide : il tient le deuxième rôle, celui de Rowdy Yates, jeune chien fougueux de la bande (ce qui cadre assez mal avec son flegme naturel, déjà évident) et fidèle second du chef de piste Gil Favor – Eric Fleming, un sentimental impassible qui aurait pu, s’il était acteur aujourd’hui, incarner le Coach Taylor de Friday Night Lights.
Ils sont donc chargés de convoyer du bétail vers le Missouri, mais un obstacle (une femme, un voleur, la chaleur, etc.) les détourne de leur mission le temps de chaque épisodes, qui sont d’ailleurs titrés pour la plupart « Incident at ou of quelque chose », ce qui devient carrément conceptuel au bout de plusieurs dizaines d’épisodes.
Cette rigidité formelle confine presque à l’abstraction. Evolution quasi invisible des personnages, peu de progression dans leurs rapports les uns aux autres : on est loin des grandes tapisseries tortueuses et complexes d’aujourd’hui. Mais le principe de répétition à l’oeuvre dans Rawhide lui confère une forme de surplace malgré l’avancée, et voilà nos insouciants cow-boys de télévision pas si éloignés de leurs grand-pères rigolards et mélancoliques de Rio Bravo. Avertissement : seule la VF est proposée. Ce qui est à la fois agaçant pour les puristes et pas dénué de charme pour les fétichistes.
Clélia Cohen
Rawhide volume 1, Universal, environ 30 euros
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