Le narcotrafiquant Miguel Angel Felix Gallardo est à l’honneur de la saison 4 de « Narcos ». Moins connu que Pablo Escobar ou Joaquin Guzman, l’homme a été à la tête du plus gros cartel de drogue des années 1980, celui de Guadalajara.
Roberto Saviano utilise une drôle de formule pour qualifier Pablo Escobar. Il le considère comme « le Copernic du narcotrafic ». En effet, d’après le journaliste italien, spécialiste de la mafia, le Colombien a été « le premier à comprendre que ce n’est pas le monde de la cocaïne qui tourne en orbite autour du marché, mais le marché qui doit tourner autour de la cocaïne ». Les équipes de la DEA, la police anti-drogue américaine, utilisent eux une autre formule comparative pour qualifier le Mexicain Miguel Felix Angel Gallardo : « le Rockfeller de la cocaïne ». D’autres préfèrent le comparer, à Bill Gates ou encore à Henry Ford (question d’époque), pour sa capacité à tirer son épingle dans le jeu sans règle du capitalisme.
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Créateur de la première « narco-société » au monde
Moins connu que Don Pablo ou que son compatriote mexicain Joaquin « El Chapo » Guzman, dans le milieu interlope du narcotrafic international, Felix Gallardo a régné sans partage sur le cartel de Guadalajara dans les 1980. La quatrième saison de Narcos sur Netflix, disponible depuis le 16 novembre, met ainsi à l’honneur le créateur et gérant de la première grande « narco-société », s’occupant principalement de la distribution plutôt que de la production de cocaïne importée de Colombie, puis de marijuana et d’opium.
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Aux différents trafiquants mexicains, il promet paix et stabilité et leur fait comprendre qu’il y a beaucoup plus à gagner en s’accordant qu’en se faisant la guerre. Jamais la définition de « syndicat du crime » n’a été aussi juste que pour décrire le cartel de Guadalajara qui, dans les années 1980, est le plus puissant au monde. « Comme tout pionnier, il voyait ce que les autres ne voyaient pas. (…) Il comprenait les règles mieux que quiconque », décrit la célèbre voix-off de la série à succès, décriée pour mettre en avant ses personnages de façon un peu trop romanesque à l’aune de leur rapport avec l’illégalité et la cruauté.
Car Felix Gallardo est tout sauf un enfant de chœur. Son arrestation à son domicile, le 8 avril 1989, en peignoir et sans la moindre opposition de sa part ne suffit pas à masquer la cruauté dont celui qui est aussi surnommé « El Padrino » (« Le parrain »), est capable. Un épisode particulièrement lugubre permet d’illustrer sa légende noire.
La mort de Camarena
Le 5 mars 1985, le corps sans vie de Enrique « Kiki » Camarena est retrouvé le long d’une petite route dans l’État du Michoacan. Cet agent de la DEA âgé de 38 ans avait fait de la lutte contre le narcotrafic son sacerdoce. Un an plus tôt, il avait réussi un joli coup : c’est sur ses renseignements que 400 soldats mexicains ont détruit les plantations de marijuana du Rancho Búfalo, qui s’étendait sur plus de 1 000 hectares. On estima plus tard la production annuelle du ranch à plus de 8 milliards de dollars. Bien sûr, le champ alimentait la narco-société de Gallardo et ce dernier le prend très mal. En représailles, Camarena ainsi qu’un pilote mexicain avec qui il fit des vols de reconnaissance au-dessus du champ, Alfredo Zavala, sont kidnappés et torturés dans des conditions atroces. On injecte de l’amphétamine aux deux hommes pour qu’ils restent conscients pendant qu’on leur brise mâchoire, nez, pommettes, trachée et côtes. Leur crâne est même retrouvé percé à l’aide d’une perceuse électrique.
Protégé en haut-lieu (il vivait librement malgré quatorze mandats d’arrêt délivrés à son encontre pour divers délits depuis 1971), cet acte va entraîner la chute de Gallardo et de ses plus proches associés : Caro Quintero, arrêté au Costa Rica en 1985 rapidement suivi par Ernesto Fonseca. Son réseau tentaculaire, qu’il avait consciencieusement tissé, maillé de contacts dans le monde financier (il était un intime d’Arcadio Valenzuela, président de l’Association des banquiers du Mexique et de Mario Ramon Beteta, ministre du Budget, directeur de l’entreprise pétrolière nationale Pemex et gouverneur de l’Etat de Mexico) et politique, protégé par la sulfureuse DFS, ne lui est plus d’aucune utilité.
De flic à dealer
Jusque-là, la Direccion Federal de Seguridad, service de renseignement mexicain créé en 1947 sous l’impulsion de la CIA américaine qui avait pour but de « préserver la stabilité interne du Mexique contre toute forme de subversion ou de menace terroriste » était en fait gangrenée et à la solde de Gallardo. Cette protection lui permit notamment de ne pas être inquiété par la terrible Opération Condor au milieu des années 1970, cette vague d’assassinats de dissidents de gauche soutenue par la CIA. Mais suite au meurtre d’Enrique Camarena la pression de Washington s’intensifia et la DFS fut dissoute, entraînant la chute de plusieurs cadres de la police et dirigeants politiques.
Né le 8 janvier 1946 à Culiacán (dans l’Etat de Sinaloa), Gallardo n’a pas toujours trafiqué de la drogue. Il entre même dans la police fédérale à l’âge de 17 ans. Parallèlement, il travaille auprès du gouverneur Leopoldo Sanchez, comme garde du corps de ses enfants. Il comprend alors les bienfaits qu’il peut tirer d’une protection politique. A la même période, il rencontre le narcotrafiquant Pedro Aviles Perez, qui travaille également à la sécurité du gouverneur. Gallardo devient son homme de main et apprend le métier à son contact.
Amitiés politiques
Au milieu des années 1970, Gallardo se rapproche de Caro Quintero, narcotrafiquant mexicain et commence à mettre en place des filières de distribution de cocaïne provenant de Colombie. Il collabore notamment avec le chimiste hondurien de Pablo Escobar, José Ramon Matta Ballesteros. Pour étoffer son carnet d’adresses, Gallardo décide d’investir ses narco-revenus dans des ranches, des hôtels et des entreprises. Il possède aussi des actions dans des banques (comme la Mexixano Somex) et se rapproche du PRI, le Parti révolutionnaire institutionnel, l’une des principales forces politiques du Mexique.
Miguel Angel Felix Gallardo est finalement condamné en 1989 à 40 ans de prison pour trafic de drogue, kidnapping et meurtre. Pendant trois ans, il réussit tout de même à gérer son trafic depuis sa cellule, grâce à un téléphone portable. Mais en 1992 Il est transféré dans la prison de haute sécurité de La Palma, dans l’État de Mexico où l’a rejoint, en 2017, un autre célèbre narcotrafiquant : Joaquin « El Chapo » Guzman, qui possède déjà sa propre série…
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