Disponible sur Netflix depuis ce mercredi 14 septembre, ce reboot de la célèbre série “nineties” pêche par son artificialité.
Si vous êtes né·e dans les années 1980 ou au début des années 1990, il y a des chances pour que vos fins d’après-midi, de retour du collège ou du lycée, aient été rythmées par les joies et peines de cœur de Nick, Jody, Katarina, Costa, Anita et de l’inévitable Drazic – pour ne citer qu’une poignée des élèves passé·es sur les bancs tagués de Hartley High, le lycée invariablement délabré situé dans les faubourgs multi-ethniques de Sidney.
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Aujourd’hui difficilement regardable – on s’y est réessayé pour l’occasion -, Hartley, cœurs à vif a néanmoins marqué en profondeur le paysage de la teen série australienne, et réussi son exportation en France, où elle a été diffusée entre 1995 et 1999 sur France 2, puis sur MCM au début des années 2000. Abordant plus ou moins subtilement (et avec un degré de pédagogie fluctuant) les thèmes increvables de la fiction teen – sexualité, drogue, racisme, harcèlement scolaire – , faisant de l’irrévérence (aujourd’hui un peu ringarde) sa ligne de conduite, Hartley était en quelque sorte le contre-point austral et impertinent de Beverly Hills, situant son action dans un quartier défavorisé de Sidney, là où sa cousine américaine chroniquait les affres sentimentales de lycéen·nes privilégié·es dans la banlieue huppée de Los Angeles.
Une série qui n’a d’Hartley que le nom
Toujours à l’affût d’un revival insoupçonné, Netflix exhume aujourd’hui Hartley, cœurs à vif dans un reboot qui n’a d’Hartley que le nom, et peut-être les bâtiments insalubres de ce lycée qu’on croit reconnaître, pour peu que la nostalgie ne nous joue pas des tours. C’est d’ailleurs la grande faiblesse de la série, qui capitalise sur le nom de son aînée pour finalement émuler (pour le dire poliment) les sujets et styles de séries teen contemporaines (Sex Education et Euphoria en ligne de mire) dans une constellation de références laborieusement déguisées.
S’il est normal (et même nécessaire) qu’Hartley soit remise au goût du jour pour se conformer aux préoccupations et styles de vie des ados d’aujourd’hui, la série puise si allègrement dans la marmite de la production teen actuelle qu’elle finit par devenir, au mieux une série juke-box désincarnée, au pire une machine à plagier dissimulant péniblement son impersonnalité.
On y suit Amerie, lycéenne d’Hartley High qui, avec sa meilleure amie Harper, compose sur un mur du bahut une fresque murale révélant les frasques sexuelles de leurs camarades. Lorsque le mur est découvert, le lycée entier s’émeut, et la populaire Amerie, dont la culpabilité ne fait aucun doute, est soudainement mise au ban de la collectivité. La direction de l’établissement, émoussée par l’affaire, décide alors de mettre en place un cours d’éducation sexuelle d’un nouveau genre, mais le matériel pédagogique à leur disposition, d’un autre temps, n’est pas vraiment en phase avec les pratiques des lycéen·nes.
Des thématiques abordées de façon superficielle
On parle, dans Hartley 2022 – et c’est heureux -, de fluidité sexuelle, de déconstruction du genre, de féminisme et d’inclusivité. Mais la manière qu’a la série d’empiler ces thèmes et de les empaqueter indifféremment trahit son caractère artificiel, voire un soupçon d’opportunisme. Car passée l’énumération un peu catalogue des différentes pratiques et orientations sexuelles de ses élèves, Hartley s’avère extrêmement commune et dissimule sa mièvrerie derrière un ton faussement leste, où l’on parle crûment de sexe, mais où l’on en voit jamais, et où la gravité de certains questionnements propres à l’adolescence est systématiquement désamorcée par un comique un peu balourd, et une pudeur télévisuelle contre-intuitive.
Quelque part entre une version discount de Sex Education et un émule d’Euphoria déchargé de sa noirceur et de son empreinte stylistique, Hartley, cœurs à vif édition 2022 peine à trouver sa voie et échoue à régénérer le semblant de sociologie qui faisait la force de la série des années 1990, lorsqu’elle auscultait (sans doute un peu maladroitement, mais avec beaucoup de cœur) les origines sociales et ethniques diverses de lycéen·nes australien·nes, et les inégalités qui en découlaient.
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