La version live proposée par Netflix de l’anime s’écroule sous son propre poids et n’a rien à proposer d’autre qu’un embarrassant reenactment balourd.
On a appris il y a quelques semaines (grâce à une interview du coscénariste Mark L. Smith) à quoi aurait pu ressembler l’improbable projet de Star Trek réalisé par Tarantino, finalement abandonné par le réalisateur de Pulp Fiction : il se serait certainement agi d’un remake de l’épisode Une partie des actions, dans lequel Kirk et son équipage atterrissaient sur une planète inspirée du Chicago des années 20. Un étrange alliage de SF et de gangster serial d’entre-deux-guerres à costumes à rayures et chapeaux de feutre, dans lequel on imagine volontiers QT s’en donner à cœur joie – et qui ne verra donc jamais le jour.
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C’est certainement aussi ce à quoi aurait dû ressembler ce remake live action de Cowboy Bebop, anime à l’envergure modeste (26 épisodes diffusés entre 1998 et 1999) mais à la légende éternelle, condensé de cool empruntant son décor au space opera rétrofuturiste, ses intrigues au film noir et son atmosphère au jazz le plus fiévreux, autour d’une bande de chasseurs de prime de l’espace, pour un résultat d’un groove et d’une picturalité démente qu’il n’était évidemment pas gagné d’adapter en prises de vues réelles.
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Une fan-fiction ankylosée
Pas gagné, mais possible ? Peut-être – Robert Rodriguez, par exemple, est après tout parvenu à tirer son épingle du jeu à partir d’enjeux assez similaires avec Sin City (Tarantino n’est pas bien loin, encore une fois.) Mais ce Cowboy Bebop ne ressemble pas à Sin City, loin s’en faut : il évoque plutôt soit la parodie, soit le cosplay, mais en tout cas uniquement des registres indirects, inopérants, commentant le matériau sans jamais ne serait-ce qu’en esquisser la magie – quelque chose qui se rapprocherait plutôt des adaptations françaises de bande-dessinée à acteurs trop adultes et trop déguisés, et pourquoi pas le Nicky Larson de Philippe Lacheau.
Passé l’excitation d’un générique toujours aussi flamboyant (Netflix a d’ailleurs réembauché le compositeur Yoko Kanno, mais son jazz respire moins bien dans cette version), on y redécouvre donc, sous les traits d’un John Cho plutôt pourvu en magnétisme quoi qu’un peu trop vieux pour le personnage (mais passons), le bounty hunter Spike Spiegel, son rugissant pilote Jet Black, la facétieuse Faye Valentine et le corgi Ein, dans une série d’épisodes qui décalquent grosso modo l’armature de la série d’origine en tentant de déployer quelques arcs englobants, histoire de “faire saison”. Le problème est que cette approche engourdit tout, perd totalement le sentiment de choc lumineux, de substrat épuré et aveuglant que produisait l’anime (dont les épisodes étaient justement trop courts, mais du coup fulgurants), en lieu et place duquel se répand une espèce de fan-fiction ankylosée, sans le moindre muscle tendu.
On ne saura donc que trop recommander de plutôt voir ou revoir la série d’origine, également disponible sur la plateforme. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir combien d’abonnés vont passer de l’un à l’autre sans même prendre la peine de finir la version 2021, de peur de s’y gâcher le plaisir de l’anime. Mais pour ça, comme pour le Star Trek de Tarantino ou pour un Cowboy Bebop live digne de son modèle, on peut sans doute toujours rêver.
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