L’agent fédéral Clarice Starling est de retour, trente ans après la sortie en salle du film.
Dans la politique éditoriale de Salto, il n’est pas simple de déceler une cohérence de choix, comme si la plateforme de France Télévisions s’était donnée la mission d’illustrer l’extrême contraste ambiant en matière de séries. On peut donc y voir cette semaine, rayon nouveautés, l’anthologie stupéfiante de Steve McQueen sur les communautés afro-caribéennes de Londres, Small Axe, soit cinq épisodes totalement hors-cadre et probablement l’une des plus belles choses que vous verrez cette année. Il suffit de cliquer juste à côté pour découvrir les premiers épisodes d’un procedural (série policière d’enquêtes) issu de la chaîne CBS, antre du classicisme depuis soixante-dix ans et des poussières.
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Où est Hannibal Lecter ?
Clarice est un projet assez ancien qui ravive le souvenir des livres de Thomas Harris et de l’héroïne du Silence des Agneaux de Jonathan Demme, qu’interprétait en 1991 Jodie Foster. Nous retrouvons la jeune enquêtrice du FBI deux ans après les événements traumatiques qui l’ont conduite au plus près de divers psychopathes. Il y en a un, pourtant, dont on n’entend pas parler une seule seconde ici : Hannibal Lecter himself. Pour d’obscures raisons de droits, les créateurs de la série, Jenny Lumet et Alex Kurtzman, ne peuvent pas faire référence à ce cannibale que joua autrefois Anthony Hopkins. C’est un peu étrange, mais ils se rattrapent avec des allusions à un autre monstre, Buffalo Bill, dont quelques flashbacks angoissés viennent troubler des scènes où l’actrice Rebecca Breeds fait tout pour habiter avec intensité son personnage.
41 minutes chrono
Clarice arrive au sein d’une unité à Washington qui traque les criminels les plus dangereux. Son intuition, son sens de la repartie et son trouble post-traumatique font d’elle une figure a priori intéressante, que la série s’attache pourtant à aplatir de manière assez systématique. Il y a bien quelques tentatives pour creuser la psyché effrayée et courageuse de cette femme à laquelle on ne connaît aucune attache sentimentale durable après trois épisodes. Mais une forme de tranquillité narrative l’emporte toujours, bouclée en 41 minutes chrono.
D’une certaine façon, Clarice esquive à peu près tout ce qui pourrait faire le sel de son récit, l’ambiguïté, la violence des affects, pour tenter de faire rentrer son imaginaire dans une petite boîte que nous connaissons toutes et tous : la série policière aux ressorts glauques, forcément un peu fatiguée en 2021. On pense à quelques références de networks (grandes chaînes) des années 2000, comme Mentalist, où la structure du personnage-principal-surdoué-mais-traumatisé fonctionnait assez bien. Ici, quelques moments habiles dans les enquêtes menées par Clarice et un supérieur doutant de ses capacités professionnelles font illusion, jamais très longtemps malheureusement.
Les psychopathes tremblent devant cette femme, mais pas nous. Il reste toujours l’espoir que l’audace surgisse au cours de cette première saison, dont Salto propose la diffusion au même rythme que les Etats-Unis – en vo sous-titrée, la vf étant réservée à un futur passage en prime time sur TF1. Même si dans le domaine des séries grand public, les révélations ont en général lieu au début ou… pas du tout. Coincée dans le passé de par ses références, son imaginaire et ses désirs esthétiques, Clarice pourrait assez vite tomber dans l’oubli.
Clarice, saison 1. Disponible sur Salto.
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