Rivée à son efficacité immersive, Caïd, mini-série dans une cité sensible du sud de la France, passe à côté de ses pistes les plus intrigantes.
Les séries originales françaises produites par Netflix se suivent mais ne se ressemblent pas. Les visions cauchemardesques de Marianne ont laissé place aux élans nanardesques de La Révolution, quand le blockbuster Lupin, énorme carton à l’international, trouve dans Caïd une successeure à tout autre échelle : celle d’une mini-série en dix épisodes de dix minutes.
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On discerne cependant, au gré de leur diffusion, une tendance à explorer le “genre”, au sens de catégorie de récit obéissant à des règles narratives et formelles identifiées, et avec lesquelles la création française entretiendrait des rapports contrariés.
Une guerre des gangs en found footage
Adaptée d’un long métrage autoproduit du même nom, Caïd suit un réalisateur et son cadreur, envoyés tourner un clip de rap dans une “cité sensible” du sud de la France (on ne sait pas bien où, mais on pense aux quartiers nord de Marseille) et qui se retrouvent mêlés malgré eux à une guerre des gangs.
Outre la concision d’un format qui rappelle celui des webséries, la particularité du projet est d’être tourné en (faux) found footage, procédé narratif et technique de mise en scène qui consiste à donner l’illusion aux spectateur·trices que les images qu’il·elles reçoivent ont été filmées par les protagonistes du récit.
Longtemps associée à des œuvres militantes ou expérimentales, cette technique s’est nouée au frisson grand public grâce au succès du Projet Blair Witch, jusqu’à devenir un genre en soi. Arrimée aux caméras de l’acteur-cinéaste et de son chef op, elle participe ici d’une immersion dans un territoire fictionnel lui aussi codifié, celui de la banlieue sous haute tension.
Rien de nouveau à l’ombre des barres d’immeubles
Hormis l’accent marseillais des personnages, rien de nouveau à l’ombre des barres d’immeubles : petits trafics, règlements de comptes et descente de flics s’inscrivent dans le même imaginaire néowestern qu’un Dheepan.
On se souvient alors de l’usage qu’avait fait Ladj Ly des plans de drone ou de téléphone portable dans Les Misérables, leur conférant une puissance à même de dialectiser les violences policières. Dans Caïd, le potentiel politique des “images (re)trouvées” est systématiquement évacué (le rappeur refuse par exemple d’utiliser une vidéo ayant capté un contrôle policier abusif) au profit d’une efficacité dramatique tapageuse, quand l’ambiguïté documentaire qui troublait le long métrage d’origine se dilue dans des effets de manche ostentatoires.
La série, dès lors, se binge-watche sans conséquence, désamorçant ses pistes les plus intrigantes (la question de l’image qu’on transmet de la banlieue, ou la fascination progressive que le réalisateur du clip éprouve pour le gangsta rappeur) au premier coup de pression ou de flingue. A l’arrivée, ce found footage se joue essentiellement à balles perdues.
Caïd de Nicolas Lopez et Ange Basterga, avec Abdraman Diakité, Mohamed Boudouh, Sébastien Houbani. Le 10 mars sur Netflix
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