La meilleure série de network des années 2010 s’est achevée après sept saisons par un épisode (forcément) controversé.
“Tu crois vraiment que je suis du genre à m’effondrer ?” La phrase, sèche et lucide, surgit dans une scène presque banale, mais elle est en réalité destinée au spectateur potentiellement en proie à un début de crise de larmes. Il faut dire que nous ne sommes pas n’importe où, n’importe quand. C’est Alicia Florrick (Julianna Margulies) qui parle, presque pour la dernière fois.
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L’héroïne de The Good Wife a tiré sa révérence dimanche 8 mai après sept saisons pleines et souvent brillantes. Elle a dit au revoir à sa manière, finalement plus résolue qu’affectueuse, aux cent cinquante-six épisodes de la meilleure série de network (grande chaîne hertzienne, hors câble) que la télévision américaine ait offerte récemment au monde.
Echo des années 1990-2000
Une série souvent à la hauteur de ses devancières venues d’une époque plus riche, faite d’Urgences et autres A la Maison Blanche. Oui, The Good Wife a été de ce niveau-là, comme un écho des années 1990-2000 égaré dans une nouvelle ère où les séries populaires sont moins créatives, où l’expression même n’a plus de sens fort.
Les derniers épisodes de séries constituent un genre en soi, avec ses règles, son émotion particulière, un sentiment de vertige lié à la clôture d’une forme par nature ouverte. Simplement intitulé “End” – nous éviterons les spoilers trop lourds, la série ayant été piètrement diffusée en France, malgré une tentative de M6 et des sorties DVD –, celui de The Good Wife s’inscrit pleinement dans la tradition des “finales”, versant polémique.
Une vraie claque
Comme souvent, de nombreux commentateurs ont exprimé leur déception devant les ultimes moments d’une série qui leur avait fait du bien. Et dont ils se sont rendu compte qu’elle était moins douce et optimiste qu’ils n’avaient pu le fantasmer. Une vraie claque. Commencé comme la chronique de l’émancipation d’une femme (mariée à un politicien volage, elle devient avocate à 40 ans), ce procedural qui n’en était pas un a raconté le prix d’une libération.
Pour devenir pleinement indépendante, Alicia Florrick a dû changer dans le fond. Devenir plus froide, calculatrice. Sept saisons, à plus de vingt épisodes par an, ce n’était finalement pas trop long – sauf du point de vue des showrunners Michelle et Robert King, épuisés. Sans cesser d’admirer et de mettre en avant son personnage, The Good Wife a montré avec une précision redoutable ce qu’il a fallu à cette femme pour prendre sa destinée en main, quelles barrières personnelles, morales, elle a dû franchir.
L’issue a été forcément brutale, non pas au sens propre du terme – quoique – mais dans le goût qu’elle a laissé dans la bouche. Etrangement, c’est à une série totalement différente qu’elle a pu faire penser. Dans The Shield, le héros, un flic corrompu, terminait dans la plus radicale solitude. Ici aussi, le monde se rétrécit autour d’Alicia, jusqu’à la laisser occuper l’espace toute seule.
Une incarnation du temps
Cela n’a pas empêché les créateurs de répondre à une autre exigence des “finales”, plus sentimentale, en faisant revenir un personnage-clé pourtant mort, l’ancien collègue et amour de l’héroïne, afin de “discuter” plus ou moins adroitement des options de vie s’offrant à elle.
Dans ces moments-là, The Good Wife a rejoint un motif classique des séries, quand le genre accepte de ne devenir rien d’autre qu’une incarnation du temps. Deux fantômes ont alors envahi l’écran. Celui avec lequel Alicia Florrick (et le public avec elle) a dialogué, nostalgique. Et celui qu’elle allait devenir, juste après l’image finale scellant sa disparition du monde visible.
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