En provenance de la galaxie Marvel et sous ses dehors bourrins, la série cache une mise en scène et une intrigue soignées.
Gros gun, rock de vieux motard, débauche de violence et virilité exacerbée : les premières minutes de la nouvelle série Marvel/Netflix sentent l’abrutissement à plein nez. Mais la fragrance brute de fonderie se dissipe doucement et en finesse pour laisser place à la meilleure série de superhéros de l’année.
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Justicier pro-death, The Punisher, alias Frank Castle, incarné ici par Jon Bernthal (Shane Walsh dans The Walking Dead), est sans doute l’un des superhéros les plus sombres du catalogue Marvel. Mais la série déjoue les attentes. On y est d’abord placé dans un après flottant. Une première fois repu du démembrement (autant physique que figuré) d’un cartel de drogue, le Punisher y traîne son spleen et se cherche.
Post-tragédie (la disparition de la famille du butor) autant que post-superhéroïque (il enlève dès le premier épisode le costume orné d’une tête de mort qui le caractérise), la série s’affranchit du comics et prend son temps.
Une soif de vengeance visuellement proche d’un jeu vidéo FPS
Habité par une inextinguible soif de vengeance et de (sa) justice, le loup solitaire a besoin, comme le lui révèle Micro, son futur “side-geek”, d’un guide pour diriger sa foudre. Actée à partir de l’épisode 4, cette alliance entre ce petit génie de l’informatique et ce Mozart du combat (armé ou à mains nues) lance véritablement la série et témoigne de sa capacité à monter en puissance.
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Dotée d’une grammaire visuelle allant du jeu vidéo FPS aux caméras de surveillance en passant par les images de drones, ses séquences d’action sont brillantes. Créée par Steve Lightfoot, déjà showrunner d’Hannibal, The Punisher semble principalement préoccupée par ses multiples dispositifs de mise en scène et le lent déshabillage de son intrigue.
Au-delà de ses qualités architecturales, la série affronte ses sujets – l’impossibilité du deuil, le désir de vengeance, les traumatismes de la guerre et les crimes commis par le gouvernement au nom de la sécurité nationale – sans jamais les lisser, cultivant des aspérités qui finissent par devenir passionnantes.
Une esthétique de la plaie
The Punisher se permet même de montrer une acuité toute contemporaine sur la question du genre. Mis à part un héros plutôt macho (et pourquoi pas, plus d’un marine américain l’est), on y voit des femmes soldats traitées exactement comme leurs collègues masculins, un personnage féminin qui exprime très directement ses désirs (sexuels et professionnels), et même davantage de paires de fesses masculines que féminines. Cette sorte d’érotisme des corps saignants, souffrants et aimants se double d’une esthétique de la plaie – architecturale, psychique et physique – béante et incicatrisable.
A mi-chemin entre Homeland, Mr. Robot et Un jour dans la vie de Billy Lynn d’Ang Lee, The Punisher est une série profondément antigouvernementale, sensible, antiraciste, parfois drôle et qui défend sans détours une véritable – et certes très contestable – éthique de la justice. Il y a quelque chose de presque enfantin et innocent dans cet antihéros. Le Punisher, c’est un peu ce petit garçon qui, la nuit venue et juste avant que sa mère n’éteigne la lumière, lui déclare : “Maman, je voudrais que les méchants, ils n’existent pas.”
The Punisher Sur Netflix
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