L’une des meilleures productions de la plateforme depuis longtemps, la minisérie brosse le portrait d’une jeune femme entravée par son appartenance à une communauté juive hassidique de Williamsburg, à New York, et son désir d’émancipation. Tout en délicatesse.
Un récit de liberté et de voyage ressemble aujourd’hui à une promesse de science-fiction. Une histoire où il est possible de changer de vie en prenant l’avion serre même le cœur automatiquement. Devant une série médiocre, la sensation de bien-être disparaîtrait au bout de quelques minutes. Mais avec Unorthodox, elle se poursuit et s’amplifie tout au long des quatre épisodes que Netflix a mis en ligne fin mars.
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La minisérie d’Anna Winger (Deutschland 83), adaptée du livre de mémoires de Deborah Feldman, n’est absolument pour rien dans le sentiment saisonnier d’espace et de grand air qu’elle procure. Le reste, pourtant, lui est entièrement dû : la beauté de sa toile narrative à la fois simple et complexe, patiemment tissée, l’émotion de découvrir un personnage qui se découvre lui-même…
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La vie d’une très jeune femme est en jeu. A 19 ans, Esty (Shira Haas, vue dans Shtisel) appartient à une communauté juive orthodoxe de Williamsburg, à New York, où elle vient de se marier à un type pas très sûr de lui, ni méchant ni pesant, juste très gauche et surtout imposé par la famille. Il n’est pas vraiment question pour Esty de voir autre chose de la vie que ce mariage arrangé et les bébés qui doivent suivre. Ce qui a été tracé à l’avance par les siens doit servir de canevas.
La belle échappée
Son groupe vit reclus en suivant les traditions hassidiques, faites de piété et de célébrations joyeuses de Dieu, sans contact ou presque avec la vie contemporaine qui se trame à l’extérieur. Les femmes y ont une place désignée dont elles ne sortent pas. Sauf qu’une échappée est possible. Nous voyons Esty quitter un matin la géographie à la fois physique et mentale qui s’imposait à elle, pour s’exiler à Berlin.
S’installent alors de fluides allers-retours entre sa nouvelle vie plus ou moins précaire et des flashbacks décrivant par le menu les semaines qui ont précédé sa fuite. Préparation au mariage, désirs d’ailleurs à peine formulés et difficultés sexuelles se superposent à la recherche timide d’un nouvel équilibre dans la ville allemande la plus ouverte qui soit. D’un côté, Esty parle en yiddish avec les siens, dans sa vie d’avant. De l’autre, elle rase les murs de la mégapole où tout le monde baragouine l’anglais, alors que la langue locale sonne presque comme la sienne…
Elle tente bientôt d’entrer au conservatoire après avoir rencontré un groupe de musicien·nes. Une certaine confusion mentale s’ensuit. Comment trouver sa place quand on ne sent vraiment son corps nulle part, quand on soupçonne que ses potentialités n’atteignent pas encore la moitié de ce qu’elles devraient être ?
Pour répondre à cette question, la série n’assène pas une seule vérité : elle montre de timides avancées, tire quelques instants gracieux du long fil complexe de cette vie en train de se déployer. Rien ne semble jamais acquis pour longtemps. Une belle scène de baignade dans le Bogensee ensoleillé trouve un contrepoint moins libérateur quelques minutes plus tard. Cette vie avance par cercles délicats.
Une héroïne dans divers états d’attente
La force d’Unorthodox tient d’ailleurs à sa délicatesse. Un gros mot, parfois, quand il s’agit de parler d’art – l’indélicat provoque souvent les plus beaux résultats. Il faut peut-être parler alors de modestie, d’une forme de retrait esthétique où les effets les plus voyants (de mise en scène et d’écriture) sont bannis pour laisser place à une approche plus organique, guidée par le corps de l’héroïne dans divers états d’attente, de plaisir, de frustration.
Tout en colère rentrée, Shira Haas fait des merveilles. Elle se place à la limite de la démonstration, mais n’y sombre jamais. Dans ses pas, la série ne propose rien de moins que le programme d’une renaissance improvisée, mais venant de loin…
Anna Winger, la scénariste, n’oppose jamais les deux mondes que connaît Esty, mais cherche à en cerner les beautés, les oppressions, les portes de sortie. Une quête de nuance qui fait du bien. Même dans sa partie la moins intéressante (la traque de l’héroïne par son mari et un autre homme de la communauté), Unorthodox parvient à déjouer les attentes. L’air de rien, l’une des meilleures productions Netflix depuis longtemps.
Unorthodox Sur Netflix
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