Inédite en France, la comédie américaine dispose pourtant d’une popularité très importante grâce à son statut hybride, à la frontière entre divertissement populaire et comédie pointue.
Le monde des séries est en deuil. Le 24 février dernier, les téléspectateurs américains ont dû faire leurs adieux déchirant à Parks and Recreation. La fin d’une belle aventure pour un public fidèle public, qui avait suivi les aventures de Leslie Knope et son équipe de fonctionnaires dérangés pendant sept saisons. Le nom de la petite comédie est aujourd’hui sur toutes les lèvres, mais elle a connu des débuts modestes. En France, elle reste d’ailleurs inédite, aucune chaîne n’a jamais cherché à la diffuser. Comment la série est-elle parvenue à un tel niveau de popularité? Grâce à un savant mélange de sarcasme bienveillant, sens de la communauté et une représentation intelligente du monde rural.
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Une petite ville incroyablement riche
Parks and Recreation porte le nom du département des « parcs et des loisirs » de la mairie de Pawnee, dont la héroïne Leslie Knope (Amy Poehler) est la directrice adjointe. Pawnee est une petite ville fictionnelle de l’Etat d’Indiana. C’est dans cette commune d’environ 50 000 habitants que se déroule presque entièrement l’intrigue de la série. Au départ uniquement utilisé comme toile de fond, Pawnee s’est rapidement imposée comme un élément à part entière de la série. Si des mastodontes comme Friends et How I Met Your Mother se sont imposés en dépeignant la vie de jeunes urbains, Parks and Rec a réussi à rendre captivant le quotidien à priori rasoir de trentenaires bien calés dans leur monde rural.
Un sentiment de communauté
L’avantage de placer la série dans une petite commune est simple ; tous les personnages secondaires deviennent rapidement identifiables. Du barbu qui se lance toujours dans des déclarations absurdes en pleine assemblée générale au grossier présentateur de radio surnommé « The Douche », ces protagonistes constituent l’identité de la série, sans avoir besoin d’être présents dans chaque épisode. Si l’Afrique a inventé l’expression « il faut tout un village pour élever un enfant« . Parks and Rec montre que pour développer une série réussie avec un fort sentiment de communauté, un village n’est pas de trop.
Pawnee est à l’image de ses habitants ; mal organisée, brouillonne, souvent sale, mais profondément attachante. La série de NBC s’oppose ainsi aux comédies dans lesquels les personnages sont souvent noyés dans une grande ville avec ses codes bien spécifiques (Friends et HIMYM mais aussi Super Fun Night, New Girl ou même Broad City), et qui sont souvent contraintes d’aborder, au moins à un moment, le thème de la quête d’identité de leurs héros et leur adaptation à la « jungle » du monde urbain.
Un mélange improbable entre humour acide et comédie feel-good
Parks and Recreation a tout de la série chorale, sans l’être totalement. Là où Friends ou The Big Bang Theory donnent autant de temps de parole à ses protagonistes, Parks and Rec tourne autour d’un seul astre, Leslie Knope. Quitte à enfoncer le clou parfois un peu lourdement, comme dans le dernier épisode de la série, dans lequel Leslie fait le tour de ses amis pour leur faire ses adieux, déclenchant à chaque fois qu’elle leur touche le bras un « flash-forward » montrant à quoi ressemblera leur vie dans dix ans.
Une série qui a su évoluer
Au départ, la série n’avait pourtant rien de la bienveillance qui est devenue sa marque de fabrique au fil des saisons. Digne héritière de The Office (elle a d’ailleurs été lancée par ses scénaristes Greg Daniels et Michael Schur), Parks and Recreation était, à ses débuts, un mockumentaire (un faux documentaire) acide et souvent gênant pour le téléspectateur. Leslie Knope n’était pas la fonctionnaire adorée de ses collègues que l’on connait, mais une chef agaçante dont tout le monde se moquait et que personne ne respectait.
Comme les audiences de la première saison descendaient en flèche, les scénaristes ont dû opérer un changement radical pour rendre Leslie Knope plus aimable et son équipe plus soudée autour d’elle. Ironie de l’histoire, la même décision avait été prise en 2005 aux débuts de The Office (US) pour rendre Michael Scott plus sympathique aux yeux des téléspectateurs. La recette a fait ses preuves : la série a duré neuf ans et Parks and Rec, sept ans.
Un programme fédérateur
Le programme, produit entre autre par Amy Poehler, a ainsi réussi à allier deux qualités généralement excluantes : la comédie feel-good et l’ironie parfois assez pointue. Celle-ci réside à la fois dans des rapides échanges de dialogues et dans les regards caméra, intensifiés par des zooms volontairement brusques. De quoi conquérir le coeur des fans d’humour grinçant, qui se retrouvent dans les Veep et autres Arrested Development, mais aussi ceux qui chérissent les comédies plus populaires comme New Girl ou même les nostalgique de l’amitié fusionnelle des six Friends. Aujourd’hui, ces téléspectateurs ont une nouvelle série à regretter.
Des acteurs propulsés sur le devant de la scène
Quand Parks and Recreation débute, Andy Dwyer est un gros plein de soupe (ou plutôt de bière) qui passe ses journées affalé sur le canapé de sa petite amie Ann. A l’époque, personne n’aurait cru que Chris Pratt deviendrait une superstar à la tête de plusieurs blockbusters dont Les Gardiens de la Galaxie et Jurassic World (sortie le 10 juin 2015 en France). Il devient pourtant, au fil des épisodes, un des personnages les plus importants de la série. Une sorte de Leslie Knope au masculin, d’une bonne humeur fracassante mais beaucoup plus naïf. Avec April Ludgate (Aubrey Plaza), sa petite-amie faussement pessimiste, ils forment un des couples les plus réjouissants du petit écran, toujours partants s’adonner aux jeux de rôle et capable d’acheter une maison hantée sur un coup de tête.
Il a suffi d’une photo, envoyée par Chris Pratt sur Instagram, pour que les fans de Parks and Recreation comprennent qu’il était passé dans la ligue supérieure. En juillet 2013, l’acteur s’affiche avec 30 kilos de moins (et beaucoup de muscles en plus), après avoir suivi un régime draconien pour incarner le héros Star-Lord des Gardiens de la Galaxie. Pour justifier cette perte de poids dans la série, les scénaristes décident de l’intégrer maladroitement au scénario, arguant qu’Andy a « arrêté de boire de la bière« . Tellement gros que ça en devient drôle.
Grâce à la série, Aubrey Plaza et Aziz Ansari (le joyeux Tom, fan de pop culture et de beaux costumes) ont également multiplié les projets de cinéma pour l’une, de stand-up pour l’autre. Mais Nick Offerman est celui dont la notoriété a explosé, grâce à la magie de l’Internet. Son personnage, Ron Swanson, est le chef de Leslie et le directeur du département des parcs et loisirs de la mairie.
Loin d’être le patron modèle dont rêve l’héroïne, Ron est en fait un capitaliste pur et dur, complètement anti-gouvernement, qui ne perd pas une occasion pour refuser d’aider l’Etat. Il n’en fallait pas plus pour que son je-m’en-foutisme légendaire, son amour du bacon et son imposante moustache le transforment en véritable meme dont se délectent les internautes, notamment sur Tumblr. Depuis ce succès, Nick Offerman compte pas moins de 4 projets de films pour l’année 2015, mais cette fois-ci, sans sa moustache. L’internet en est bouleversé.
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