Même inégale, la création de Sam Levinson qui s’est terminée le 2 juillet avait quelque chose de fascinant. Elle a aussi révélé le talent hors norme de son actrice principale.
Si Succession a longtemps raflé la palme de la série aux personnages les plus difficiles à aimer, alors que dire de The Idol ? Le cinquième et dernier épisode (sauf surprise majeure et renouvellement pour une deuxième saison) de la création de Sam Levinson (Euphoria), Abel Tesfaye (alias The Weeknd) et Reza Fahim, a bouclé ce week-end une diffusion houleuse, rendu compliquée dès le mois de mars par un article à charge – et démenti par les intéressé·es – du magazine Rolling Stone sur la prise de pouvoir antiféministe des deux principaux créateurs, au détriment de la réalisatrice Amy Seimetz, virée après avoir commencé à réaliser la série.
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Les réactions de la critique ont suivi la même trajectoire, au point que HBO s’est retrouvée avec, entre les mains, l’objet culturel le plus détesté de l’année.
Vulgarité
Pourtant, The Idol ne mérite pas ce traitement de navet. Un chef-d’œuvre ? Non. Mais une étrange et parfois belle tentative d’incarner l’excès d’une époque. Même si on ne peut pas dire que la série, qui met en scène une popstar simili Britney nommée Jocelyn (Lily-Rose Depp, impressionnante) dans sa relation toxique avec un type vaguement producteur, ex-mac et soi-disant chef de secte (Abel Tesfaye, très morne), ait donné autre chose que le bâton pour se faire battre.
À coups de séquences érotiques d’inspiration BDSM soft et de plans sur les seins découverts et le cul cambré de son héroïne, The Idol a peu ou prou ignoré ce qui occupe aujourd’hui tant de créateur·rices à travers le monde, et plongé la tête la première dans une forme de vulgarité, mais aussi de violence insensée.
Jeux de pouvoir
C’est cette violence insensée qui secoue dans The Idol. Pas forcément quand elle occupe frontalement l’écran – la scène de torture de l’épisode 4 reste par exemple inaboutie –, mais plutôt celle qu’elle porte en son sein, dans la manière dont les personnages communiquent sans se parler et dont la caméra enregistre un processus d’enfermement radical. Les épisodes fonctionnent comme une suite de stases bizarres, en quasi huis clos dans la villa à plusieurs millions de dollars de Jocelyn, tandis que son entourage – principalement constitué d’ambitieux chanteur·euses et de ses employé·es – tente de profiter de son aura.
Moins que dans son scénario attendu sur les jeux de pouvoir entre hommes et femmes dans l’industrie de l’entertainment, ou encore la création dans la souffrance – avec un twist final assez anodin –, The Idol a donc intéressé par sa mise en scène, plus surprenante qu’un simple exercice de male gaze éjaculatoire. Sans cesse, l’image a semblé vouloir échapper au son – à moins que ce ne soit l’inverse -, créant un monde dissocié où les plans résonnaient souvent de dialogues qui ne leur appartenaient pas, créant de longues scènes sans véritable structure ni but, de façon volontaire. On a fini par s’installer dans cette tragédie sur les mirages de la vie.
Male gaze
Sans colonne vertébrale scénaristique, The Idol a fini par ressembler à une série aveugle et sourde à ce qui est censé faire le sel d’une série, capable d’inventer son propre rythme. Alors que le genre traverse une crise profonde – grève des scénaristes, manque récurrent de vraies réussites -, The Idol a mis le doigt dans la plaie et refusé de faire la belle. Dans ce chaos plus ou moins maîtrisé, Lily-Rose Depp démontre qu’elle est tout sauf une poupée à manipuler : une excellente actrice capable de beaucoup.
The Idol. Disponible via le Pass Warner
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