“Les Anneaux de pouvoir” arrive sur Amazon Prime Video le 2 septembre prochain, mais n’est clairement pas attendu comme le messie par les fans. Pourquoi ?
“Quand Sauron dit à Dumbledore que ‘la force est puissante en lui’, c’est vraiment renversant”. “À chaque fois que Sylvebarbe dit ‘Je m’appelle Groot’, ça me touche en plein cœur”. “Quand Gimli a dit ‘Avengers, rassemblez-vous !’, ça m’a vraiment parlé”. Voilà le genre de commentaires qui apparaissent en premier sous les derniers trailers des Anneaux de pouvoir, la nouvelle épopée en Terre du Milieu prévue pour le 2 septembre sur Amazon Prime Video, et qui se trouve accessoirement auréolée du statut de création audiovisuelle la plus chère de tous les temps (un montant probable d’un milliard de dollars au terme des cinq saisons déjà signées).
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Pas même sortie et déjà vue comme une poubelle à pop culture des années 2010 ? Ce serait méconnaître YouTube que de s’alarmer d’une poignée de commentaires sarcastiques (bienvenue sur Internet). Mais à ces railleries bon enfant s’ajoute un signal bien plus inquiétant : le ratio de likes et de dislikes. Avec 76k pouces levés contre 450k baissés sur le premier teaser au moment où nous écrivons ces lignes, la série n’est pas à l’abri de voir déferler sur elle un raz-de-marée de bad buzz (à titre de comparaison, la bande-annonce de House of the Dragon, série spin-off de Game of Thrones et principal concurrent, est à 201k likes pour 53k dislikes).
Des puristes remonté·es comme des coucous contre une série qui prend de salissantes libertés avec l’héritage de Tolkien ? C’est l’interprétation tentante… Mais, en réalité, rien ne permet d’affirmer que ces réactions reflètent d’une quelconque manière la température d’une communauté de tolkienophiles orthodoxes. Et, en réalité, si cette communauté vivace, mais tout de même insulaire, était celle qui s’exprimait ici, elle le ferait autrement – notamment en mentionnant dans ses blagues des noms de personnages présents à l’écran (ceux du “Second Âge” de la Terre du Milieu, dans lequel la série prend place) plutôt que ceux du Seigneur des Anneaux, qui, pour la plupart, ne sont même pas encore nés au moment où se tient l’intrigue.
De la fanfiction plus qu’une adaptation canonique
Outre leur faculté très réduite de nuire au succès, les fans ne sont même pas si remonté·es que ça envers le projet, qu’iels considèrent – à juste titre – comme de la fanfiction et non comme une adaptation canonique (conformément au deal avec le Tolkien Estate, Amazon doit uniquement se garder de contredire le canon tolkienien, très elliptique sur cette période, et dispose d’une totale liberté pour ajouter des personnages et des arcs narratifs dans les trous), le percevant donc avec une relative bienveillance (voir le live consacré par le site Tolkiendil à décrypter le dernier trailer). Ils auront sans doute même la curiosité de regarder.
Non, le problème, c’est qu’en vingt ans, le public infiniment plus large des films de Peter Jackson a eu le temps de se constituer en deuxième noyau de puristes. Et il y a donc des chances que Les Anneaux de pouvoir se soient déjà mis à dos ce noyau, celui sur lequel il devait tout capitaliser : les générations de spectateur·trices qui ont mis, il y a vingt ans, Aragorn, Frodon, Gandalf et l’Anneau au sommet de la pop culture mondialisée, et dont aucune poche visible ne manifeste actuellement d’avidité quant à ce come-back en Terre du Milieu. Ce sont eux qui ont peut-être déjà lâché la série.
Une série, mais pour quel public ?
Ce désaveu, encore hypothétique mais subtilement perceptible, pourrait n’être qu’une fausse alerte. N’oublions pas que la mauvaise étoile des Anneaux de Pouvoir est partie d’une classique vague de haters racistes (la présence de personnes de couleur au casting a donné lieu à des protestations nauséabondes) comme en connaissent systématiquement les sagas qui diversifient et féminisent leur casting (Star Wars, ou plus récemment Grand Theft Auto), sans que ces tempêtes ne se ressentent au box-office. On peut même raisonnablement soupçonner Amazon d’instrumentaliser ce hating afin de maintenir la visibilité de la série à quelques jours de sa sortie.
Reste que la série, aussi pharaonique soit-elle, n’a jamais semblé aussi isolée, comme si, avant même d’être sortie, elle ne s’adressait plus à personne : ni aux premiers fans, ni aux seconds, ni au nouveau public heroic fantasy qui s’est pris de passion ces dix dernières années pour Game of Thrones et risque donc de trouver bien lisses les elfes pudibonds de J.R.R. Tolkien. Une partie conséquente de tous ces sous-groupes jettera forcément au moins un œil, méfiant mais attentif, au premier épisode, signé Juan Antonio Bayona. Il a intérêt à être assez renversant.
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