La série de détective des années 2000 revient pour une quatrième saison où son héroïne a grandi, sans perdre de sa pertinence et de sa douce mélancolie.
« Est-ce qu’on peut oublier Veronica ? » Ce dialogue du septième épisode sonne comme une évidence aux yeux de celles et ceux qui ont traversé les années 2000 – de belles années où les séries n’était ni trop nombreuses, ni trop prétentieuses – au son nostalgique de We Used to Be Friends des Dandy Warhols (le générique de Veronica Mars entre 2003 et 2006) et dans les pas d’une ado ayant grandi trop vite, lycéenne et détective privée au côté de son père. Sa mère préférait l’alcool à sa famille. Veronica ne prononçait même plus son nom.
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Une héroïne en avance sur son temps
En trois saisons situées dans la petite ville fictionnelle de Neptune, en Californie, Veronica Mars avait acquis une réputation de singularité, proposant une relecture à la fois radieuse et décalée de la série ado. Si elle n’a jamais eu le pouvoir de briser les cœurs en morceaux comme Angela, 15 ans ou de scanner le spectre teen des déclassés comme la merveilleuse Freaks and Geeks de Judd Apatow et Paul Feig, la série de Rob Thomas avait su inventer un personnage féminin en avance sur son temps, travaillé par le trauma : Veronica vivait la tête haute malgré le départ de sa mère mais aussi le meurtre de sa meilleure amie, ainsi qu’un viol subi lors d’une soirée. Droguée contre son gré, elle ne connaissait pas le nom du coupable et cela lui faisait prononcer ce genre de punchline en voix-off : « Vous voulez savoir comment j’ai perdu ma virginité ? Moi aussi. » La résolution n’arrivait qu’en fin de deuxième saison, pleine de stupéfaction et de colère. Comment oublier cette héroïne, en effet ?
A travers les excité.e.s du « spring break », l’adieu à la jeunesse
Après son annulation cruelle faute d’audience, suivie plus d’une décennie après par un film largement oubliable, la plateforme américaine Hulu a décidé de commander une quatrième saison de Veronica Mars dont les huit épisodes pimpants sont une bonne surprise. On retrouve la jeune femme exactement au même endroit, à cent mètres du Pacifique. Elle travaille toujours sur des enquêtes et filatures avec son père, un quinquagénaire chauve et attachant qui semble avoir abandonné l’idée de retrouver l’amour. Le seul changement véritable ? Celui du temps qui passe, comme dans toutes les bonnes séries. Veronica est désormais trentenaire et regarde d’un œil un peu las les jeunes excité.e.s du « spring break » qui viennent se coller des mines sur les plages et dans les motels de sa ville pendant une semaine. Au fond, elle a gardé sa position d’observatrice un peu désabusée des excès humains. C’est une belle idée : celle qui était déjà une outsider quand elle fréquentait le lycée (trop mature, elle ne vivait pas au même rythme que les autres) reste en retrait du monde, observatrice.
Le paradoxe, c’est que malgré ce fond de relative misanthropie (ou de mélancolie, c’est selon), Veronica Mars reste un personnage solaire, y compris dans ces nouveaux épisodes qui construisent autour d’une colonne vertébrale très attendue mais solide – une enquête autour d’une série d’attentats – un écrin pour sa liberté. Le punch de la série doit beaucoup à l’écriture de Rob Thomas, qui sait appuyer sur le caractère intrépide et pince sans rire de sa figure centrale. Mais il doit encore plus à l’abattage fin, drôle et émouvant de Kirsten Bell. L’actrice – désormais connue pour son rôle dans la sitcom existentielle The Good Place – amène son énergie et son timing toujours impeccables mais aussi un voile de profondeur, comme un grésillement permanent qui donne aux situations une humanité bienvenue. C’est bête à dire, mais le plaisir pris à ces nouveaux épisodes de Veronica Marstient avant tout aux situations souvent banales auxquelles la série s’accroche, quelle que soit le suspens en cours ou la nécessité d’une résolution.
Relations sans domination
Ce sont des discussions honnêtes dans une cuisine, un bureau, une voiture, des face à face toujours intenses qui incluent Logan (le garçon avec qui elle est toujours en couple, quinze ans plus tard) ou le père de Veronica, attentionné mais diminué par une maladie, et aussi une nouvelle amie, la tenancière d’une boite de nuit qui permet à la série de renforcer son ADN féministe et badass. A chaque scène, Veronica semble créer une espace de vérité et de sécurité éphémère, sans doute le seul moyen qu’elle a trouvé pour survivre dans un monde réticent à la paix. A contre-courant des personnages radicalement cyniques ou simplement trop malheureux pour produire autre chose que de la violence, nous sommes devant une fiction qui creuse autant que possible des relations sans domination, qui croit que ce type d’intimité peut rendre la vie meilleure, tant qu’il est encore temps.
C’est aussi, de façon ultime, la leçon de cette quatrième saison de Veronica Mars : la perspective du bonheur ne dure jamais. Les dernières minutes choquantes nous l’apprennent. Même si elles semblent un peu forcées dans leur manière de provoquer une rupture radicale, elles respectent aussi l’ADN de la série qui fait de Veronica Mars une solitaire sans cesse prise de cours par les tragédies et le chagrin. La série n’a peut-être pas l’ampleur et le style des plus grandes, mais elle donne envie de la voir vivre encore. C’est d’ailleurs possible : au vu des derniers instants de la saison, une réinvention sous le soleil de Californie ou ailleurs semble prévue.
Veronica Mars saison 4. Sur Hulu.
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