Fun et pertinente, l’adaptation française de “Ru Paul’s Drag Race” nous fait vibrer grâce à ses queens. Quelles sont les clefs de ce succès ? Réponses avec l’auteur principal du show, Raphaël Cioffi.
À l’été 2022, le succès de Drag Race France fut une divine surprise. Cette année, c’est une joyeuse confirmation qui s’impose : la culture queer s’est faite une place nouvelle en France à travers cette compétition qui oppose (et réunit) onze reines, à mi-chemin entre le “talent show” et la téléréalité. Et si rien n’est jamais acquis, si la violence contre les personnes LGBTQIA+ se poursuit à des niveaux effrayants, un pas en avant a été fait en matière de visibilité avec cette adaptation du show américain de l’icône Ru Paul.
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Raphaël Cioffi, qui partage la production de l’émission avec Nicolas Missoffe et Jean-Louis Blot d’Endemol, en est aussi l’auteur principal. C’est lui, qui, en partie, donne à Drag Race France ses vannes et ses punchlines absurdes, féroces ou politiques, d’un très bon niveau. “Nous faisons de la coécriture avec Nicky Doll (qui présente l’émission, ndlr) sur ses lancements et c’est toujours fructueux. D’une manière générale, notre but est de s’emparer de chaque seconde soit pour faire rire, soit pour faire réfléchir.”
Travail et performance
Celui qui décrit la fabrication de Drag Race France comme “une montagne de taf” a débuté auprès de Charlotte Le Bon puis de Catherine et Liliane, sur Canal+, et travaille également avec Jean-Paul Gaultier. Il met en avant sa méthode d’écriture : “Bien sûr qu’il y a de l’impro, mais mon approche ne consiste pas à arriver avec 50 % pour parvenir à 100 %. Je préfère arriver avec 100 % des choses écrites pour espérer aller jusqu’à 150 %.”
Et pourquoi pas ? Tout ici fleure bon l’exagération, la performance de soi – l’essence du drag – dans une tradition dont peu de monde en France, en dehors des milieux concernés, ne connaissait les rouages. Si chaque scène semble avoir été scénarisée, ce n’est pas le cas. “Ce que disent les candidates n’est pas écrit à l’avance, insiste Raphaël Cioffi. Drag Race ressemble aux conversations qu’on a tous et toutes dans notre quotidien. Je suis une personne gay qui aime la pop culture, donc l’émission coche toutes ces cases. Quand j’ai vu la version américaine, j’ai vraiment eu un choc. Pour la première fois, j’avais l’impression de nous voir mes potes et moi à la télé.”
Le show (photos, épreuves diverses comme le lipsync éliminatoire face au jury) est aussi l’occasion pour les onze candidates de cette saison 2 (Cookie Kunty, Ginger Bitch, Keiona, Mami Wata, Moon, Punani, Sara Forever, Piche, Kitty Space, Vespi, Rose) de révéler leur parcours de vie, dans un lieu qui ne les juge pas, où la parole circule sur des sujets aussi aigus que l’homophobie, la transphobie, la séropositivé et… Mylène Farmer.
“Dans cette communauté, on peut parler très second degré d’un statut sérologique et de transphobie, et très premier degré du premier album de Lady Gaga comme si c’était l’élection présidentielle”, décrit Raphaël Cioffi, qui met en avant un moment majeur du deuxième épisode de cette saison. “Alors que tout le monde était en train de se démaquiller, Moon a annoncé aux autres candidates sa transidentité, en expliquant qu’il faut dire ‘elle’ tout le temps quand on l’évoque. Les autres ont répondu ‘ok’ et on est passé à autre chose. Ces images, on ne les voit pas à la télé alors qu’elles font partie de notre vie.”
Show must go on
Pour Cioffi, l’émission contribue à redéfinir la façon dont les thèmes et enjeux queer sont abordés à la télé et dans la culture mainstream, contrant sans la nommer la passion du clash. “Avant, les thèmes liés à l’expérience LGBTQIA+ étaient souvent présentés sous forme de débat. Mais l’identité n’est pas un débat. Nous, on donne un micro à quelqu’un sans une personne à charge en face. Cela permet des conversations d’une qualité supérieure. On reçoit ça de façon assez pure, pas contredite.”
Avec l’expérience, l’auteur analyse la portée de Drag Race France bien au-delà de l’écran. Il évoque une amie trans qui a pour la première fois regardé la télé avec sa famille, ce qu’elle n’avait pas fait depuis dix ans, ou bien ces spectateur·ices qui se découvrent allié·es de la communauté alors qu’ils et elles ne connaissaient même pas le mot, ou encore, suite à la révélation par Lolita Banana de sa séropositivité en saison 1, l’histoire de cette grand-mère qui a parlé à ses proches de son statut sérologique. “C’est un programme qui n’est pas drivé par la peur, conclut-il. On ne se censure pas, il y a comme le devoir de poser la caméra sur des sujets en montrant ce qu’ils sont vraiment. Mais sans oublier le show !”
Drag Race France, saison 2. Chaque vendredi à 18 h sur le site de France.tv puis à 22 h 45 sur France 2.
Enregistrement public de la finale le 20 août au Grand Rex. Show des queens à partir du 7 septembre au Casino de Paris, puis en tournée.
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