Depuis sa diffusion sur Netflix, la mini-série de braquage espagnole « La Casa de Papel » est devenue un phénomène mondial. Derrière ses atours séduisants, elle repose pourtant sur un canevas éculé. Quelles sont les raisons d’un tel engouement ? (Spoilers)
Cet article comporte des révélations sur la série La Casa de Papel.
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Un génie du crime réunit une équipe de malfaiteurs pour réaliser le plus gros braquage de tous les temps. En moins de onze jours, ils comptent investir la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre pour y imprimer 2,4 milliards d’euros, sans verser une goutte de sang des soixante-sept otages sous leur surveillance. Le succès de l’opération repose sur un plan huilé à l’extrême et une répartition savante des rôles.
Créée en 2007 par Álex Pina, baron des séries espagnoles, La Casa de Papel a rencontré un grand succès dans son pays d’origine. Les spectateurs ont semble-t-il été séduits par l’ampleur du projet et son pari narratif : les quinze épisodes détaillent chronologiquement le braquage en respectant (à-priori) les unités de lieu, de temps et d’action. Friande de séries high concept, Netflix en a décuplé le succés à l’international depuis la diffusion de sa première partie en décembre (le seconde est prévue pour avril), accompagnée d’un re-calibrage temporel des épisodes mais sans grande campagne marketing. Pour quelles raisons les spectateurs deviennent-ils addicts à La Casa de Papel ?
Une mécanique de récit efficace
https://youtu.be/c2ruOt5EAuo
Malgré son originalité de façade et sa forme sérielle, La Casa de Papel s’inscrit dans le sous-genre narratif extrêmement précis du récit de casse parfait, dont elle rejoue les codes à échelle gigantesque (on rappellera cependant que dans Mise à sac d’Alain Cavalier les braqueurs s’attaquaient à une ville entière…). La saveur de ce type d’intrigues, labourées de L’Ultime Razzia de Stanley Kubrick à Logan Lucky de Steven Soderbergh, réside dans la complexité fascinante d’un plan dont l’implacable mécanique finira inévitablement par être enrayée par le facteur humain. Cette itération espagnole, inutilement étirée, s’encombre malheureusement d’intrigues secondaires poussives, et manque cruellement de brillant en terme de mise en scène.
Des personnages attractifs
https://youtu.be/VRAG-c8OUMM
Tokyo, Rio, Berlin, Moscou, Nairobi, Oslo, Helsinki et Denver. Ce ne sont pas les étapes indispensables d’un road trip mais les noms de code des braqueurs, galerie de personnages charismatiques aux caractéristiques tranchées qui concentrent une bonne part de l’attractivité de la série. De la séduisante Tokyo à la grande gueule Denver en passant par l’énigmatique Professeur, chacun d’entre eux est conçu comme une figure savamment délimitée et facilement appréhensible. Cette propension à jouer avec des archétypes se solde néanmoins par une absence de profondeur des figures mises en scène, rapidement réduites au rôle de rouages du récit. Le traitement des personnages féminins, entre hyper-sexualisation gratuite et approche machiste, est quant-à lui problématique.
Des références aisément exportables
La partie d’échecs infernale jouée entre les braqueurs et la police est pimentée de références culturelles qui dépassent le cadre national originel de la série. De l’importance de la chanson Bella Ciao, devenue la véritable signature du show sur internet, aux masques de Salvador Dali ou du Cri de Munch arborés par les gangsters, en passant par les multiples filiations cinématographiques (Soderbergh mais aussi Tarantino ou Guy Ritchie), La Casa de Papel recycle un terreau de signes culturels pour se construire une dimension universelle. On peut aussi envisager cet amas de citations comme un argument marketing un poil volontariste…
Un fond de revanche sociale
https://youtu.be/25CiAJf_GyM
Au delà de son récit efficace et de sa forme séduisante, le succès de la série tient peut-être à l’allégorie chargée de revanche sociale qu’elle tisse. Dans une Espagne lessivée par les cures d’austérité, le dépouillement d’un espace symbole du pouvoir financier par des gangsters prolétaires rejoue le mythe de Robin des bois une tonalité post-crise financière. Et tant pis si l’argument est un brin populiste, et si les motivations des personnages ne sont pas forcément honorables, ce renversement fictionnel du pouvoir ne manque pas de panache.
La Casa de Papel, partie 1 disponible sur Netflix, partie 2 diffusée le 6 avril.
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