Le nouveau succès de Netflix doit beaucoup à la jeune actrice américaine, mais aussi à un maître du “close-up”.
Habituellement, dans les Hollywood Stories, des jeunes filles innocentes, fracassées par le business, deviennent, après une courte période de succès, des recluses détraquées aux passions morbides. Il semblerait que Jenna Ortega ait décidé de changer ce schéma linéaire pour être d’entrée les deux à la fois : une princesse Disney (Elena d’Avalor) et déjà une scream queen (The Babysitter, Scream, X). À 20 ans à peine, elle a trouvé le rôle qui lui permet de soutenir cette double aspiration. Dans la nouvelle série Netflix, Mercredi, inspirée de la Famille Addams, elle joue le rôle d’une adolescente gothique envoyée dans une école pour créatures étranges.
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Et le plus impressionnant ici, n’est pas seulement qu’elle ne cligne jamais des yeux ou qu’elle danse comme une maniaque dans une scène fantastique de l’épisode 4. Non, le plus décisif est qu’elle arrive à maintenir jusqu’au bout sa bizarrerie malgré l’inévitable arche narrative qui contraint aujourd’hui chaque personnage à évoluer (= se normaliser) en cours de saison. Mais Ortega reste Ortega. Jusque dans la scène de tendresse finale, avec son hug inévitable, qu’elle déchire encore d’un regard fou, illuminé, à la Artaud.
Le fantôme de Gloria Swanson
Mercredi, la série, a beaucoup été vendue sur le seul patronage de Tim Burton. Ce qui n’aurait pas trop incité à s’y pencher. Mais elle est en fait le produit de deux showrunners, Alfred Gough et Miles Millar, dont on avait apprécié le travail sur Smallville.
Du coup que fait Burton ici ? Libéré du poids de l’ensemble, il dirige les premiers épisodes. C’est-à-dire qu’il regarde surtout son actrice jouer. Ne pas cligner des yeux, comme elle le faisait déjà sans s’en rendre compte, c’est un conseil qu’il lui donne entre deux prises. Quand il la regarde, on pourrait se dire qu’il revoit d’abord la jeune Winona Ryder de Beetlejuice. Mais le réalisateur parle plutôt de star du muet. Et du fait qu’Ortega n’ait pas besoin de dialogue pour exister à l’écran. On pensait emo girl donc bêtement Winona. Mais Burton la filme déjà comme Gloria Swanson.
Une main pleine de vie
Quand il ne concentre pas ses efforts sur le personnage de Mercredi, le réalisateur focalise le reste de ses attentions sur La Chose, la main sans attache, autre caractère de la Famille Addams qui occupe ici le devant de la scène. Burton, apparemment obsédé depuis longtemps par La Chose, a décidé de travailler avec un magicien roumain, spécialiste de tours en close-up, pour donner vie et personnalité à cette paume solitaire. Et la réussite est incroyable : elle est à la fois très drôle, et très dramatique.
Et il est troublant de voir un “truc” aussi simple porter toute la magie visuelle de la série. Car le reste des effets spéciaux est assez laid, comme dans la plupart des films post-Harry Potter consacrés à des établissements scolaires pour teenagers surdoué·es. Ce qui distingue ainsi Mercredi de L’École du bien et du mal (gros ratage récent de Paul Feig, également pour Netflix), ressort avant tout d’un art de l’économie. Quand donc les patrons de plateformes vont-ils le comprendre ? Une main sans corps, une actrice sans âge, c’est tout ce que demande une méga-production.
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