Après « Luke Cage », « Daredevil » et « Jessica Jones », Netflix se devait de consacrer une série au quatrième membre des « Defenders ». Le moins que l’on puisse dire c’est que « Iron Fist », malgré quelques bonnes idées et son titre évocateur, est un désastre.
Sous licence Marvel, Netflix s’est lancé dès le printemps 2015 avec Daredevil dans la constitution d’un catalogue de super-héros dont la destinée est d’être par la suite rassemblés au sein d’une seule et même série, The Defenders, qui serait prévue pour la fin de l’année. A la suite du super-héros malvoyant se sont donc rajoutés Jessica Jones (novembre 2015) et Luke Cage (septembre 2016). Iron Fist, le petit dernier de la bande, est sorti le 17 mars sur Netflix et, le moins que l’on puisse dire, c’est que ses 13 épisodes ne font pas l’unanimité. Attaquée de toutes parts, à la fois par la presse et le public, pourquoi la série subit-elle un tel rejet ?
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L’homme au Fist de fer
Alors que tout le monde le croyait mort aux côtés de ses parents dans un crash aérien, Dany Rand est de retour à New-York 15 ans après l’accident. Il découvre que la compagnie que co-dirigeait son père est devenue une multi-nationale super-puissante et qu’elle est dirigée par la fille et le fils de l’ami de son père et co-créateur de la compagnie avec qui le petit Dany jouait quand il était enfant. Le problème est que personne ne le croit quand il prétend être Dany Rand, d’autant que son récit s’accompagne d’une période de 15 ans qu’il aurait passé dans un monastère situé dans une autre dimension. Au contact des moines, Dany aurait appris le kung-fu mais il serait surtout devenu l’Iron Fist, un super-héros capable de focaliser son chi pour transformer son poing en une arme redoutable. L’Iron Fist est chargé d’une mission, combattre une organisation criminelle surnommée La Main, qui tente justement de prendre le contrôle de Rand Enterprises.
Into the Wild + Batman + The OA = Iron Fist
Prenez le personnage d’anti-consumériste poète d’Into the Wild. Faites-le riche héritier à la tête d’une puissante entreprise au coeur de Manhattan et enfin inculquez-lui une philosophie mystique empreinte d’une spiritualité orientale du dépassement de soi par la pensée, faites-lui croire qu’il a accès à d’autres dimensions et que sa pensée couplée à certains gestes lui confère des super-pouvoirs. Vous aurez Iron Fist.
La nouvelle série de Netflix se rattache de manière très habile à deux personnages en apparence antinomiques : Bruce Wayne alias Batman et Christopher McCandless alias le mec d’Into the wild. En plus de ça, elle puise sa mythologie dans l’une des séries les plus originales de la plateforme de streaming, The OA, sortie en décembre de l’année dernière. Comme le personnage incarné et créé par Brit Marling, Dany Rand croit dans un monde ré-enchanté fait de signes mystiques, d’autres dimensions et de visions. Comme elle, il se définit en tant que « special creature » capable, grâce à une série de gestes, de prouesses surhumaines.
Un public plus jeune visé
Jusque-là, les trois autres séries super-héroïques de Netflix se sont toutes positionnées dans un segment bien spécifique. Daredevil est assez emblématique de la tournure qu’à pris le genre du récit de super-héros ces dernières années, la série est sombre et soulève les habituelles problématiques de justice. Jessica Jones est plus originale, tout d’abord parce que son personnage principal est une femme, et surtout parce qu’elle aborde le genre par un biais très psychologique. Enfin, Luke Cage est une sorte d’hommage au genre de la blaxploitation que ne renierait pas Quentin Tarantino. Avec ces trois shows, Netflix a, par addition, mis en place une stratégie de ratissage des publics la plus large possible. En grossissant le trait, nous pourrions dire qu’après les geeks, les femmes et les blacks, Netflix coche avec Iron Fist une nouvelle case : les adolescents.
Car c’est bien aux ados que Iron Fist s’adresse. Si cette observation n’explique pas les nombreuses faiblesses de la série, elle excuse son côté immature dans la psychologie des personnages, son esthétique très teen sitcom et son aspect assez fourre-tout où des séquences de combat d’UFC côtoient de grands préceptes boudhistes sur la vie. Iron Fist est donc la pierre teen ajoutée à l’édifice Defenders.
Iron Fist manque de consistance
Mais la vérité est qu’au-delà des références et du public visé Iron Fist manque cruellement d’épaisseur et d’ambition. Alors que la plupart des séries contemporaines de Netflix brille par leur enjeux de mise en scène, la réalisation d’Iron Fist est vraiment située un cran en-dessous. Si les premiers épisodes nous font croire à une tonalité ingénue, vive et légère, l’ensemble finit par devenir terne, simpliste et manque cruellement de partis pris. La candeur rafraîchissante se mue vite en une forme de vacuité qu’un scénario à la fois foutraque et prévisible ne parvient pas à relever. Pour ce qui est du jeu des acteurs, Finn Jones, que nous avions déjà vu sous les traits de Loras Tyrell dans Game of Thrones, s’en sort heureusement assez bien dans son rôle d’Iron Fist, tout comme Jessica Henwick dans le rôle de Colleen Wing. Mais à part ça, c’est le désert, le pire étant Tom Pelphrey dont le jeu monocorde et la raideur corporelle surjouée tournent parfois au ridicule. Quant aux scènes de combat, la louable volonté de Netflix d’utiliser le moins d’effets numériques possible afin de redonner au genre son charme artisanal et une esthétique presque réaliste ne fonctionne pas ici. Les combats sont lents et manquent de fluidité et d’inventivité.
Mais le plus gros souci d’Iron Fist se situe sans-doute dans l’écriture de son personnage central. Il est d’abord présenté comme un roots complètement détaché de toute matérialité, vivant dans une sorte de sobriété heureuse et connaissant par coeur des préceptes zen. Mais, quand il s’agit de récupérer 51% du capital de l’entreprise de son père, il clame tout haut « It’s my name. It’s mean something. » et engage des procédures pénales pour récupérer son bien avant de l’emporter et de laisser son sarouel au placard pour lui préférer le costume-cravate. Loin de s’emparer de cette contradiction, la série fait comme si elle n’existait pas et perd d’emblée une bonne partie de sa crédibilité et de sa tenue, qu’elle ne parviendra jamais à regagner tout au long des 13 épisodes.
Le principal problème d’Iron Fist réside dans la volatilité gênante de son super-héros dont la motivation n’est jamais claire. Il ne semble profondément habité par rien, même pas par le souvenir de la mort de ses parents. A l’instar de la série, il manque cruellement de consistance. L’idée d’une série de super-héros teen était séduisante sur le papier mais, à l’écran, il est évident que Iron Fist est bien en-dessous de ses trois collègues. Vous pouvez sans-peine lui tourner le dos (quitte à être à la merci du point de fer) et attendre de le revoir dans The Defenders.
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