En dix épisodes de 26 minutes, “Chair tendre” – prix de la meilleure série à Séries Mania 2022 – raconte l’itinéraire de Sasha, une adolescente intersexe.
Chair tendre, la nouvelle série française diffusée par France.tv Slash, séduit doublement. D’une part parce qu’elle procure un sentiment d’inédit. Et de l’autre, un sentiment de reconnaissance. Cela pourrait sembler antinomique (c’est l’un ou l’autre), pourtant la série appelle précisément à sortir des carcans de la binarité.
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Le sentiment d’inédit tient à Sasha. Chair tendre trace son portrait d’adolescente intersexe et les interrogations qu’elle porte n’avaient, à notre connaissance, jamais donné lieu à une fiction de ce type. Si d’autres récits ont rapporté la difficulté d’être et la détermination farouche de jeunes personnes en transition, l’intersexuation était restée une page blanche. Dotée de caractères biologiques propres aux deux sexes, Sasha s’est vue attribuée à la naissance une identité de genre masculine. Lorsque la série commence, elle se définit socialement comme une adolescente. Après un épisode traumatique, que la série dispense par courtes séquences fragmentaires, sa famille a déménagé et elle intègre en terminale un nouveau lycée.
Intersexuation
La violence que représente l’injonction à s’identifier au genre masculin ou féminin constitue le moteur dramatique du récit, et la comédienne Angèle Metzger donne corps avec beaucoup de force et de vérité à cette indétermination singulière que la pression sociale (sous toutes ses formes, même résolument bienveillantes) essaie d’endiguer.
Autour de ce personnage puissamment neuf s’enroule une fiction qui, elle, est émaillée de beaucoup de réminiscences. Mais dont la plupart sont assimilées avec beaucoup d’intelligence.
Un onirisme de conte
Il y a un peu d’Euphoria dans Chair tendre : dans cette façon de s’immerger dans une bulle générationnelle avec ses rites propres et où la société des adultes ne résonne que de façon assourdie et lointaine ; dans la mise en scène d’une certaine brusquerie des rapports propre à l’adolescence aussi et une justesse dans la restitution de sa langue. Mais sans le caractère outré, presque expressionniste, ni la batterie scénaristique effrénée de la série américaine. Dans sa façon subtile d’entrelacer le réalisme social, un léger onirisme de conte (notamment par la très belle lumière des scènes d’extérieur) et l’économie narrative mesurée de la chronique, Chair tendre fait tout autant penser au cinéma de Céline Sciamma, et particulièrement Tomboy auquel la série emprunte certaines scènes (la baignade interdite, la relation ambivalente avec une petite sœur…).
À la croisée de ces influences, mais avec une originalité qui lui est propre, la série de Yaël Langmann constitue la plus belle surprise en matière de fiction télévisuelle de la rentrée.
Chair tendre de Yaël Langmann disponible sur France.tv Slash
Édito initialement paru dans la newsletter cinéma du 28 septembre
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