Disponible sur Netflix, la série anglaise se déplie en quatre saisons d’une dizaine d’épisodes.
Top Boy est ce qu’on pourrait appeler une rescapée, presque une série reconditionnée, si le mot n’avait pas été squatté par les fabricants de téléphones. On l’a découverte au début des années 2010, quand la chaîne anglaise Channel 4 mettait à l’antenne cette exploration de la vie d’un quartier de Londres, autour de plusieurs personnages d’un ensemble urbain, la Summerhouse, liés pour la plupart au trafic de drogue. Avec son esthétique de la lenteur, son art de la narration étirée et son refus des clichés liés aux fictions de flics et de voyous, la série faisait irrésistiblement penser à la grande The Wire. Elle nous y ramenait à sa manière, arpentant un territoire émotionnel plus limité mais néanmoins passionnant. Après deux saisons, les audiences ont baissé et la création de l’Irlandais Ronan Bennett a rejoint le cimetière des beautés parties trop tôt. Avant, rebondissement chic, que le rappeur Drake (également producteur, on le voit au générique d’Euphoria) n’use de son pouvoir pour redonner vie à cette série qu’il adore.
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Une fiction sociale anglaise
Netflix a donc fait office de cavalerie ou de médecin réanimateur. Voilà donc Top Boy revenue pour une troisième saison en 2019 et une quatrième qui vient d’être mise en ligne par le géant du streaming. Lequel a décidé de faire croire qu’il s’agissait d’une nouveauté : on trouve donc sur la plateforme les deux premières saisons sous le nom Top Boy : Summerhouse, tandis que celle dont il est question ici est présentée comme la… deuxième, alors qu’il s’agit de la 4. Compliqué. Toujours est-il que nous sommes face à l’une de ces rares séries passées sous les radars critiques et publics en dehors de son pays, alors qu’elle mérite toute notre attention de sériephiles lessivé·es.
Il est donc question de la vie dangereuse de quelques garçons et filles (l’apport de Netflix depuis la saison 3 sur ce dernier aspect) qui se donnent pour mission d’atteindre les sommets, ou au moins de sortir de la misère que leur promet leur condition. On pense surtout à Dushane (Ashley Walters), devenu le personnage central. Nous sommes bien devant une fiction sociale anglaise, où la rage de s’extraire de son milieu fait office de moteur pour le récit, sans possibilité de respirer. L’intelligence de Top Boy est de sortir de cette suffocation par une certaine douceur. Même s’il est question de violence à peu près tout le temps, notamment durant cette saison qui s’exporte en partie en Espagne et à Tanger, quelque chose nous ramène toujours vers l’exploration intime de personnages qui sortent de leur rôle de bad boy ou bad girl. On peut même dire que c’est la jointure qui intéresse Ronan Bennett, le moment de bascule où un visage se décrispe ou au contraire se pare d’une nouvelle armure. Une fragilité partagée fait le prix de la série, sa touche particulière.
Dans ses meilleurs moments, Top Boy est capable de sortir de son programme et des trafics qui animent les un·es et les autres, pour déployer un sujet peut-être plus profond : ce que veulent dire au fil du temps un territoire et une communauté. Dans les premiers épisodes de cette quatrième levée, de belles scènes suivent la lutte de certain·es habitant·es de Summerhouse contre un projet de destruction/reconstruction qui les mettrait dehors. La série se souvient alors qu’elle a d’abord vécu en filmant ces lieux, même si ses protagonistes ont souvent déménagé à la mesure de leur ascension. Elle trouve une certaine mélancolie dans la perspective que cet espace disparaisse à cause d’investisseurs qui voudraient rebâtir un habitat plus profitable. Tel est le lot des séries qui durent – et celle-ci est née il y a plus de dix ans – que de créer peu à peu leur propre finitude, d’y réfléchir en même temps qu’elles la pleurent.
Pour celles et ceux qui prendraient ce train fictionnel en cours de route, aucun problème, il est possible de s’attacher aux héros et à cette incroyable héroïne lesbienne et thug nommée Jaq (Jasmine Johnson), tout en ressentant le poids du temps qui passe. Nous sommes les bienvenu·es dans le monde de Top Boy quel que soit notre parcours de spectateur·trice. Il faut simplement accepter de lui laisser le temps de nous attirer dans ses filets.
Top Boy saison 4 – sur Netflix.
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