En entrelaçant le thriller politique nerveux et le soap vénéneux, la britannique « Bodyguard » s’impose comme l’une des séries les plus haletantes de l’année. (Spoilers)
Cet article comporte des révélations sur la série Bodyguard.
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On a rarement vu séquence d’ouverture de série aussi impressionnante : dans le train qui le ramène de vacances avec ses enfants, David Budd, vétéran de guerre reconverti dans la sécurité de personnalités, remarque le comportement suspect de certains passagers. Après avoir averti le personnel de bord et mené son enquête, il découvre une jeune femme vêtue d’une ceinture d’explosifs cachée dans les toilettes. Doté de capacités tactiques et de talents de négociation hors pair, il parviendra à déjouer la tentative d’attentat tout en sauvant la vie de la poseuse de bombe : la moindre victime, fut-elle du côté des terroristes, eût été inacceptable.
https://youtu.be/JBbZOpwiF90
Une maîtrise impressionnante de la tension dramatique
À l’image de ces vingt premières minutes ahurissantes de tension dramatique, Bodyguard, feuilleton télévisuel britannique créé par Jed Mercurio et diffusé sur la BBC One à la fin de l’été, travaille le suspense de façon irréprochable, tout en variations d’intensité mais sans temps mort ni ventre mou.
Suite à son acte de bravoure, David Budd est promu au rang de chef de la sécurité de Julia Montague, ambitieuse ministre de l’Intérieur dont les opinions ultra-conservatrices le révoltent. Alors qu’elle tente de faire voter des mesures anti-terroristes aux relents liberticides, il tente de prévenir les multiples menaces qui l’enserrent et dessinent les contours d’un complot.
Chacun des six épisodes semble soumis à des électrochocs dramatiques aux fréquences aléatoires permettant d’en dévier le cours par surprise, de réinterpréter une séquence passée ou d’ouvrir à la hache un nouvel embranchement narratif. Si elle égratigne quelque peu la vraisemblance du récit, notamment dans sa seconde partie plus décousue, cette manière d’envisager le thriller comme une avalanche très pulp de rebondissements en mouvement permanent est jubilatoire.
Une ambition politique pas entièrement tenue
Dans la lignée de 24 heures chrono ou de Homeland en leurs temps, Bodyguard résonne avec un certain nombre de thématiques et questionnements contemporain.e.s – ici de l’Angleterre post-Brexit. Du bilan calamiteux des interventions du gouvernement Blair au Moyen-Orient au contrecoup démocratique des mesures de lutte anti terrorisme en passant par la prise en charge psychologique des vétérans de guerre, l’intrigue est tressée autour de noeuds politiques brûlants d’actualité.
Si la plupart de ces pistes sont malheureusement traitées de façon confuse voire abandonnées dans la seconde partie de la saison, la série parvient tout de même à retranscrire un climat général de paranoïa et à pointer du doigt l’extrême opacité de fonctionnement des institutions étatiques.
Une dimension soap réjouissante
La caractérisation des deux personnages va à l’encontre des stéréotypes associés à leurs fonctions narratives : le garde du corps est perclus de traumatismes psychologiques et antimilitariste, la femme politique évolue dans un monde d’homme qu’elle manipule et domine sans arrière pensée, guidée par ses instincts.
Magnétisé par ces deux visages antagonistes, le thriller politique se double d’une dimension soap aussi vénéneuse qu’excitante à mesure que David et Julia se rapprochent. La dynamique de pouvoir initiale – il met littéralement son corps à son service – se module en jeu de séduction dangereux, et l’apparente sécheresse de l’intrigue est soudain irriguée de désirs.
Bodyguard saison 1, disponible sur Netflix.
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