La série de Donald Glover, née il y a six ans, est capable, à son meilleur, de nous révéler des visages vrais de l’Amérique.
Après un intermède déphasant en Europe, sous la forme de dix épisodes diffusés au printemps dernier, Atlanta revient au bercail dans la ville de Coca‑Cola, de CNN et de la trap. Earn et les autres sont toujours debout et, pour la dernière fois, leurs vies à la fois intenses et insaisissables se présentent à nous. Après six années d’existence, c’est une grande série qui se termine, sans doute pas la plus simple à aimer. La création de Donald Glover, née à une époque où l’expérimentation occupait une partie non négligeable des écrans sériels, a mis la barre encore plus haut que d’autres, refusant les voies classiques de la narration événementielle. Dans sa ligne droite finale, qui débute avec une poignée d’épisodes merveilleux, elle cherche et trouve un équilibre émouvant entre la désorientation comme principe et une certaine linéarité.
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On ne racontera pas vraiment l’histoire, qui met en scène un rappeur sur le retour et son cousin manager, leur ami et une ex du cousin, perdu·es dans les affres d’un quotidien compliqué. Car l’histoire ici n’a pas l’importance qu’elle peut avoir dans d’autres séries. Ce qui compte dans Atlanta, ce sont les atmosphères et les personnages qui façonnent un imaginaire. Le récit naît ensuite de cette construction presque artisanale.
La série n’a cessé de creuser ce sillon de la race comme expérience au-delà du réel.
Concernant les atmosphères, les volutes de fictions nous arrivent en ordre dispersé. Voir un épisode ressemble depuis toujours – et plus encore maintenant – à une expérience surréelle, avant tout au sens politique du terme. L’expérience noire implique, selon Glover, une vision surréelle (on pourrait tout aussi bien écrire : “surréaliste”) du monde, ne serait-ce que parce qu’elle est mal connue, mal vue, mal racontée en général, comme issue d’une autre planète. Au fil des saisons, la série n’a cessé de creuser ce sillon de la race comme expérience au-delà du réel, et ce n’est pas un hasard si les références auxquelles on pense souvent ici s’appellent Twin Peaks et La Quatrième Dimension. Le premier épisode magistral de cette ultime saison en atteste.
Des anxiétés liées à la discrimination
Du côté des personnages, Atlanta a souvent déjoué les attentes, faisant apparaître et disparaître les un·es et les autres, n’explorant pas toujours à fond les possibilités de ses héros et héroïnes qu’elle a même pu délaisser. Le nombre de standalone episodes (c’est-à-dire bouclés, sans avant ni après) a contribué à rendre plus difficile notre attachement à ces destins, nous maintenant parfois à distance émotionnelle de la série.
Mais c’est comme si Donald Glover et ses acolytes (notamment le réalisateur Hiro Murai et la scénariste Stefani Robinson) avaient saisi le message et décidé de prendre le taureau par les cornes dans cette ultime saison. On le voit clairement dans le très beau deuxième épisode, lorsque Earn (Donald Glover lui-même) se confie à son psy et raconte d’une manière simple et profonde, fulgurante même, ses crises d’anxiété liées à la discrimination. Voilà de quoi Atlanta est capable à son meilleur : raconter l’Amérique et le monde à travers quelques visages qui révèlent leur vérité.
Atlanta saison 4 de Donald Glover, avec lui-même, Bryan Tyree Henry, Zazie Beetz, Lakeith Stanfield.
Diffusion en cours au États-Unis sur FX, et sur OCS à partir du 2 décembre.
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