Les déboires hallucinés d’un riche héritier héroïnomane offrent à Benedict Cumberbatch un écrin télévisuel léché mais prévisible aux dimensions de sa persona d’acteur fantasque. (Spoilers)Diffusée sur Swhotime, « Patrick Melrose » est une mini-série en cinq parties. Cette adaptation des romans du journaliste Edward St Aubyn, emmenée par un beau casting (Hugo Weaving, Jennifer Jason Leigh et surtout Benedict Cumberbatch, parfois en sur-régime), peine à émouvoir.
Cet article comporte des révélations sur la mini-série Patrick Melrose.
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Riche héritier issu de l’aristocratie anglaise, Patrick Melrose mène une existence dissolue, alternant les aventures sans lendemain à la prise de stupéfiants de toutes sortes. Le décès de son père autoritaire fait ressurgir en lui des traumas enfantins, et le pousse à mettre de l’ordre dans sa vie.
Diffusée sur Showtime, cette mini-série en cinq parties adaptée des romans à forte teneur autobiographique du journaliste Edward St Aubyn déroule un casting cinq étoiles en faisant graviter Hugo Weaving ou Jennifer Jason Leigh autour de Benedict « Sherlock Holmes » Cumberbatch. Malgré une écriture élégante et une mise en scène léchée, le show, vampirisé par l’abattage permanent de son acteur principal, peine à palper des veines sensibles derrière sa carcasse rutilante.
On connaît la chanson
Comme une ouverture d’opéra, ou à la manière d’un peintre préparant sa palette de couleurs, le premier épisode de Patrick Melrose file les motifs du récit à venir, en articule les ressors en une mécanique complexe chargée de références.
Prenez une riche famille anglaise du début des années 80, branche de cette aristocratie aux racines coloniales brossée d’un vernis de modernité capitaliste, cultivant l’entre soi avec une application souveraine. Semez-y un éventail de névroses à l’abri de son vernis de bienséance, et laissez-les infuser la psyché de l’héritier chétif. Observez ce dernier, devenu adulte (physiquement en tout cas) dilapider sa fortune et sa santé dans des chimères psychotropes pour lutter contre sa schizophrénie et ses pulsions suicidaires.
Vaste programme en apparence, pourtant largement arpenté par les récits contemporains, cinématographique comme littéraire. Les délires sous drogues se matérialisent en des séquences hallucinées sous influence Trainspotting, Las Vegas Parano ou Le Loup de Wall Street, et l’aristocratie anglaise pourrie de l’intérieur décalque celle d’un Downtown Abbey. Quant à la famille dysfonctionnelle, son traitement comme « mère de tous les vices » est un des grands leitmotivs des fictions actuelles.
Sherlock es-tu là ?
L’intérêt de la série, plus que le terreau narratif dans lequel Patrick Melrose évolue, réside dans la manière dont le personnage tente de s’en extraire. La mort du père, accueillie dans un premier temps comme un soulagement, provoque un raz-de-marée émotionnel dans lequel il va tenter de surnager coûte que coûte. L’enjeu sera de troquer les bouées chimiques contre des attaches humaines, de se libérer des démons du passé pour observer l’avenir et ses possibles, et de faire face au vertige existentiel pour remettre les pieds sur Terre.
Le choix de Benedict Cumberbatch dans le rôle titre fait figure d’une telle évidence qu’on croirait découvrir un nouvel épisode de Sherlock, sans acolyte ni enquête. Le comédien, visiblement à son aise, y compose à nouveau un personnage à la fois antipathique et attachant, imprévisible et bourré de névroses, dont l’abattage permanent frôle le surrégime.
De ce super-rôle aussi fascinant qu’épuisant, on retiendra surtout les dérapages comiques (dont les nombreux tête à tête avec l’urne funéraire paternelle et les dialogues intempestifs avec des voix intérieures), voire burlesques quand le corps du grand échalas se dérègle comme une figure de caoutchouc ou un pantin désarticulé. Espérons que les épisodes suivants abandonneront un peu la démonstration de force pour une approche plus fragile et sensible de cette crise existentielle.
https://youtu.be/JQh36eStMqk
Patrick Melrose, avec Benedict Cumberbatch, Jennifer Jason Leigh, Hugo Weaving… Tous les samedis sur Showtime.
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