Révélation sérielle française de 2020, “Parlement” poursuit en saison 2 son exploration des coulisses du pouvoir européen, pour en livrer une satire tendre et sentimentale.
Pénétrer les arcanes du pouvoir européen, ausculter les us et coutumes singuliers d’eurodéputé·es pittoresques, de lobbyistes carnassier·ères ou de conseiller·ères roublard·es ; observer le manège sentimental d’assistant·es ingénu·es, et filmer avec drôlerie le ballet incessant de parlementaires pressé·es, arpentant les coursives dédaléennes et les couloirs de verre des parlements de Strasbourg ou de Bruxelles, un amendement fraîchement pondu sous le coude : voici pêle-mêle les intentions infuses de Parlement, la série comique à forte teneur satirique sur le Parlement européen, qui signe son retour pour une deuxième saison délectable.
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Nous y retrouvons Samy (génial Xavier Lacaille), assistant parlementaire toujours aussi ahuri mais désormais plus aguerri qui, fort de son expérience de la première saison sur la loi visant à interdire la pêche aux ailerons de requins, troque son député centriste, attachant mais parfaitement incapable (délicieux Philippe Duquesne, invariablement ébaubi), pour Valentine Cantel (redoutable Georgia Scalliet, de la Comédie-Française), jeune députée aux dents longues, bien décidée à disrupter les instances européennes. Flanqué d’un jeune stagiaire surdoué mais un poil encombrant, passé par le Collège d’Europe et Sciences Po, Samy s’attaque pour le compte de sa nouvelle députée à un ambitieux package de mesures destiné à sauver les océans, pompeusement baptisé le “Blue Deal”.
Une chronique finement écrite
Le créateur Noé Debré, entouré de scénaristes et conseiller·ères versé·es dans les arcanes de la politique européenne – opaque pour les profanes –, y réemploie les ingrédients qui avait fait la réussite de la première saison : ce mélange gracile d’humour absurde et de satire tendre, cette manière charmante (et néanmoins piquante) de chroniquer le monde nébuleux des institutions européennes, avec en souterrain une ambition résolument pédagogique, mais jamais pontifiante.
Moins rigoureuse qu’une série de politique-fiction (type Baron Noir) qui ambitionnerait de dépiauter avec férocité les rouages d’un système vicié, Parlement porte sur son sujet un regard résolument bienveillant (mais jamais complaisant), qui laisse entrevoir les convictions de son auteur (qu’on devine farouchement pro-européen) sans pour autant éluder les aberrations kafkaïennes d’une institution qui cultive à merveille paradoxes et impasses bureaucratiques.
D’eurodéputé·es lunaires, ne connaissant rien à leurs dossiers, en lobbyistes mielleux·ses, porté·es par le vents changeants de leurs valeurs spécieuses, en passant les dirigeant·es des hautes sphères européennes, marionnettistes émérites tirant les ficelles de tout ce beau monde dans l’ombre de leur palais de verre, la série n’épargne rien ni personne. On y assiste à des trilogues, ces réunions tripartites comparables à “un match de cricket : personne ne comprend rien aux règles, ça dure des plombes, et à la fin on se fiche du vainqueur, on veut juste que ça s’arrête”. Le tout dans la délicieuse cacophonie multilingue du Parlement, où l’on commence une conversation en français pour la terminer en allemand, non sans un détour par l’espagnol ou l’anglais.
Finement écrite, bénéficiant de dialogues ciselés et de vannes bien senties, Parlement a parfois des allures de The Office hexagonal (ou plus exactement européen) dans sa façon de pasticher avec drôlerie le monde du travail pour en révéler toute l’absurdité larvée ; mais aussi dans sa faculté à glisser avec un sens de l’équilibre funambule de la satire grinçante à la romcom sentimentale. Et la série peut compter sur son casting impeccable pour porter hauts ses ambitions : outre Xavier Lacaille, toujours parfait en assistant parlementaire ahuri, délicieusement gauche mais très investi, on retrouve Rose (Liz Kingsman), ancienne assistante d’une députée pro-Brexit, reconvertie lobbyiste médiocre, ou le truculent Torsten (Lucas Englander), assistant désœuvré devenu un électron libre du Parlement, sans oublier l’énigmatique Eamon (William Nadylam), administrateur cryptique rompu aux affaires européennes, qui sait entretenir sa mystique.
Parlement saison 2, actuellement sur France.tv Slash.
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