Croisant l’esprit des feuilletons policiers rétros et la noirceur de séries contemporaines, la nouvelle création Canal+ convoque la Belle Epoque en miroir de nos temps troublés.
Paris, 1899. Le président Félix Faure vient de mourir dans les bras de sa maîtresse. Suspendue aux rebondissements de l’affaire Dreyfus et excitée par les groupes anarchistes et les ligues antijuifs, la France semble au bord de la guerre civile. C’est dans ce contexte mouvementé, celui d’une « Belle » Epoque tiraillée entre nationalisme et ouverture, archaïsme et modernité, que s’inscrit Paris Police 1900, la nouvelle création originale de Canal+.
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Alors que le préfet de police Lépine (Marc Barbé) entre en fonction, un inspecteur de la criminelle (Jérémie Laheurte), une avocate ambitieuse (Eugénie Derouand), une courtisane devenue moucharde (Evelyne Brochu) et un flic corrompu (Thibaut Evrard) sont entraîné·es dans une affaire de féminicide dont les ramifications dessinent les contours d’un coup d’Etat.
Fiction gothique
Puisant dans la tradition feuilletoniste du XIXe siècle, prolongée notamment par les serials de Louis Feuillade dans les années 1910 (Fantômas, Les Vampires), et rongée par la noirceur de la télévision contemporaine, la série frappe par la précision de sa reconstitution historique. Tout en dépliant la constellation des forces antagonistes qui agitent le Paris de l’époque, elle plonge le·la spectateur·trice dans des décors dignes d’une fiction gothique – le quartier des bouchers, aux grilles duquel les miséreux·euses tendent leurs gobelets en attente d’une rasade de sang – ou une satire de la bourgeoisie décadente – ces salons où les tractations politiques se nouent dans le stupre et les shoots d’héroïne.
L’application mise en œuvre pour donner vie le plus fidèlement possible à cette époque trouve néanmoins sa limite dans le fétichisme qu’elle cultive pour les objets d’époque – alignés comme les bibelots d’un cabinet de curiosités – et dans le jeu souvent affecté des comédien·nes, au risque d’un effet musée de cire. On sauvera néanmoins les partitions sensibles de Jérémie Laheurte, tempes nerveuses et regard fuyant, et de Thibaut Evrard, poings serrés et cœur noué, qui fonctionnent comme les deux facettes d’une même pièce – good cop, bad cop.
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Le vieux monde se meurt…
Si les fils de l’intrigue criminelle mettent du temps à s’assembler, c’est parce qu’elle est au fond secondaire, prétexte à la matérialisation des vents contraires qui traversent une époque dans laquelle, pour citer un Antonio Gramsci très en vogue ces temps-ci, “le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître… et dans ce clair-obscur surgissent les monstres”.
Cette société en crise, que l’institution policière cristallise ici par métonymie, souffre d’une projection un peu forcée du regard idéologique contemporain sur la trajectoire de ses figures féminines, desservies par des dialogues au progressisme anachronique – là où l’exposition frontale de la violence patriarcale faisait passer le propos avec suffisamment de clarté.
Le processus inverse, consistant à convoquer notre époque en miroir de celle du récit, se révèle plus affûté : à la vue d’une police gangrenée par les ligues d’extrême droite, de l’instrumentalisation de la haine envers une population minoritaire ou de la fascination aveugle pour le progrès technologique, quelque chose, entre les trames des pixels, se reflète de nos temps troublés.
Paris Police 1900 à partir du 8 février sur Canal+
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