Amazon propose des premiers épisodes qui, selon les retours des internautes, deviendront ou non des séries. Petite revue d’effectif, avec « Transparent » en tête de proue.
On l’écrit sans cesse depuis quelques mois et on le répétera longtemps : la vie de l’amateur de séries est en train de changer radicalement, y compris en France, ce qui paraissait il y a encore peu franchement improbable. Au-delà de l’apparition quasi certaine de Netflix avant l’automne, de la multiplication des chaînes proposant des diffusions US+24 h (Canal+ Séries, OCS City), voire de la renaissance de Jimmy qui diffuse en ce moment la miraculeuse Friday Night Lights, une autre pratique inédite s’offre à nous comme au reste du monde. Conspuée pour ses méthodes plus que contestables dans le domaine de la distribution et de la vente de biens par internet, Amazon s’attaque à un domaine moins polémique : la diffusion en streaming de séries créées par ses soins.
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Depuis le 6 février, dans un processus à la fois passionnant et pervers, la « world company 2.0 » permet à chacun de visionner cinq pilotes dans plusieurs styles différents. Il suffit d’ouvrir un compte sur la version américaine du site, puisque les contenus ne sont pas bloqués. Et pour cause. Le nombre de clics et les réactions des internautes détermineront lesquels de ces pilotes deviendront des séries à part entière. Pendant des décennies, l’industrie hollywoodienne a fonctionné avec cette religion de l’épisode-test, mais en circuit fermé. Chaque saison, plusieurs dizaines de premiers épisodes sont encore produits et jugés par les responsables de la fiction ainsi que des publics de volontaires. Amazon propose simplement de faire la même expérience au grand jour.
Cette orientation tend à accréditer la thèse selon laquelle aujourd’hui, les fournisseurs de contenus cherchent à capter les « niches » d’amateurs de séries à tout prix. A leurs yeux, ces derniers représentent-ils l’avant-garde des consommateurs culturels ? Parmi les séries mises en ligne par Amazon, on a déjà parlé dans ces pages de The After, nouvelle série apocalyptique de Chris Carter (X-Files) dont on aimerait qu’elle survive pour des raisons principalement nostalgiques.
Passons maintenant à deux comédies alléchantes sur le papier – il restera ensuite à voir le drama policier Bosch et la comédie sportive The Rebels. Créée par Roman Coppola et Jason Schwartzman, qui se sont associés au réalisateur Paul Weitz (Pour un garçon) et ont convaincu Gael García Bernal et Malcolm McDowell de faire partie du casting, Mozart in the Jungle possédait de nombreux atouts. Au bout du compte, cette histoire de rivalités générationnelles dans le milieu de la musique classique rate à peu près tout ce qu’elle entreprend, à l’exception notable d’un personnage de jeune musicienne en galère qui fait glisser l’épisode de la bouffonnerie au réalisme. Un horizon assez désirable pour Mozart in the Jungle, même si l’on doute que l’aventure se poursuive.
C’est un destin contraire que l’on prédit à Transparent. Cette comédie de moeurs due à Jill Soloway, une ancienne de Six Feet under (elle a écrit plusieurs épisodes des saisons 2 à 5) montre une famille sur le point de muter radicalement. Le patriarche d’une soixantaine d’années (incroyable Jeffrey Tambor, ex- Arrested Development) aimerait annoncer à ses enfants qu’elle est désormais une femme – en phase de transition – mais n’y parvient pas tout de suite. En pleine crise identitaire eux aussi, ils n’ont pas encore la disponibilité mentale pour imaginer leur père en trans.
https://www.youtube.com/watch?v=dHpXcmiEIyM
Malgré quelques tics estampillés cinéma indé américain assez prévisibles, Transparent se révèle assez drôle et audacieuse pour remporter haut la main la palme de l’objet télé le plus stimulant de ce début d’année – derrière True Detective, bien sûr. Il est temps d’aller voter.
The After, Bosch, The Rebels, Mozart in the Jungle et Transparent à voir sur Amazon.com
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