Plus subtile que prévue, la série parvient à déconstruire l’image de la bimbo en maillot rouge et propose une plongée dans les années 1990 et le sexisme d’une société obsédée par le corps des femmes.
L’imaginaire hétérosexuel des années 1990 passe en ce moment sur le billard dans les séries américaines, et c’est une excellente nouvelle. Après Impeachment, qui montrait le chemin de croix de Monica Lewinsky avant et pendant sa relation avec le président Bill Clinton, redonnant un visage et un corps à cette femme caricaturée, un autre symbole de l’époque est mis en avant, avec un certain désir de réhabilitation.
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Pour celles et ceux qui n’étaient pas en âge à ce moment-là, rappelons qu’un jour de 1995, une sextape – la première de l’histoire, qui plus est volée – montrait les ébats de Tommy Lee (chanteur de Mötley Crue, groupe de metal eighties) et Pamela Anderson, alors star de l’une des séries les plus regardées au monde (Alerte à Malibu). En quelques semaines, la cassette VHS, vendue par correspondance sur un Internet encore balbutiant, provoquait un séisme et un déferlement sexiste. À peu près tout homme hétérosexuel allait poser ses yeux dessus. Vertigineux.
Découverte d’un personnage
La bonne idée de la série, de ses créateurs Seth Rogen et Evan Goldberg (déjà à l’écriture du merveilleux Superbad), du scénariste Robert D. Siegel (The Wrestler) et du réalisateur Craig Gillespie (Moi, Tonya) – oui la liste est longue et ce ne sont que des hommes –, la bonne idée, donc, consiste à façonner les huit épisodes de la minisérie comme la révélation d’un personnage. Un effeuillage, mais pas celui que l’on croit. Une sorte de retour vers l’intérieur d’une femme, en partant de l’extérieur et des apparences.
Dans le premier épisode et surtout le deuxième (pas tout à fait maîtrisé dans son approche de l’excès et de la vulgarité), Pamela Anderson (Lily James) est présentée de manière assez fidèle à l’image communément sexiste que l’on pourrait en avoir, celle d’une bimbo blonde aux gros seins et au talent invisible. On a d’abord un peu de mal à comprendre pourquoi Pam and Tommy doit absolument en passer par là pour nous prendre ensuite à rebours. Mais c’est ainsi. Au fur et à mesure du récit, la minisérie en huit épisodes élargit sa focale, s’éloigne de l’objectivation de son personnage principal, avant de se recentrer sur elle, mais de son point de vue.
On passe ainsi clairement d’une vision carnassière de cette femme désirée par les hommes (l’une des premières scènes la montre à quatre pattes sur le sol de la cuisine, string apparent) à l’étude empathique du choc qu’elle a vécu. Mariée quatre jours après sa rencontre avec Tommy Lee, cette vingtenaire naïve mais certainement pas idiote a vu presque immédiatement son image publique ravagée par le dévoilement illégal de son intimité.
Plongée dans les nineties
Mais Pam and Tommy montre très bien à quel point le processus d’humiliation avait commencé avant, dans un système de représentation qu’incarnait son rôle dans Alerte à Malibu, à base de maillot de bain rouge échancré et de très peu de dialogues. La manière dont Anderson prend conscience de la violence qui lui est faite, alors même qu’elle pourrait continuer à en profiter financièrement sans ouvrir la bouche, devient vraiment passionnante. Même lointain, le fantôme de Marylin se dessine, solitude comprise. De ce point de vue, la série est habitée par le féminisme contemporain, relecture d’une époque qui laissait peu de chances à une femme “de dire non à une pièce remplie d’hommes”, comme le note un personnage dans l’épisode 5.
Pam and Tommy se regarde aussi très bien comme une exploration assez douce et nostalgique des années 1990 – sans en nier les errements – à travers son portrait du Los Angeles contrasté des losers et des célébrités, qui se révèle au bout du compte exactement le même, ville de rêve brisés et de désirs contraints. Sous ce soleil trompeur, Tommy Lee (Sebastian Stan) tire son épingle du jeu en rockstar trop tatouée et guettée par le déclassement. Très vite, il n’a littéralement plus que sa queue pour exister, ce qui en fait une figure grotesque de l’excès. Et même là, dans cet angle mort de la masculinité à la fois triomphale et blessée, la série parvient à viser juste et à rectifier le tir, rendant peu à peu sa complexité à ce type un peu ridicule. L’année des séries avait commencé mollement, la voilà qui prend son envol avec cette belle surprise.
Pam and Tommy. Sur Disney Plus.
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