Servie par un casting parfait et un sens du burlesque éprouvé, OVNI(S) nous plonge dans la France de Jean-Claude Bourret, que les phénomènes extraterrestres passionnaient.
Dans les années 1970, les ovnis fascinaient les Français·es (notamment), dont l’un des principaux passionné·es était le célèbre présentateur vedette du JT de TF1 Jean-Claude Bourret – il rédigea de nombreux livres sur le sujet. Fut alors créé, en 1977, au sein du CNES (le Centre national d’Etudes spatiales, implanté à Toulouse), un département nommé Gepan (Groupe d’études des phénomènes aérospatiaux non-identifiés), chargé de l’étude des phénomènes ovnis.
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Or, c’est à la tête du Gepan (un Gepan de fiction) que le héros de la série – réalisée par Antony Cordier, auteur pour le cinéma de Douches froides, Happy Few et Gaspard va au mariage, et écrite par Clémence Dargent et Martin Douaire –, Didier Mathure (Melvil Poupaud, extraordinaire en réincarnation du Louis Velle des feuilletons télévisés populaires des années 1970), est muté en 1978 au début de la série.
A vrai dire, la nomination de Mathure à la tête de cet organisme a tout d’une punition, ou en tout cas d’un purgatoire : la fusée spatiale sur laquelle il travaillait depuis dix ans avec son ex-femme, Elise Conti (Géraldine Pailhas, sublime), vient d’exploser quelques secondes après son décollage… Quant au Gepan, il est si mal considéré que la plupart des ingénieurs du CNES croient qu’il s’agit d’une plaisanterie. Bref, Mathure est placardisé.
Une reconstitution fantasmée, joyeusement caricaturale
La mission de Mathure, s’il veut espérer un retour en grâce auprès de ses supérieurs, est claire et un peu secrète : clore le maximum de dossiers en leur apportant des explications rationnelles, afin que le directeur du CNES (Laurent Poitrenaux, désopilant) puisse enfin fermer ce département grotesque. S’il remplit sa mission, Mathure pourra rempiler dans les fusées.
Quand il débarque au Gepan, Mathure trouve en tout et pour tout trois employé·es (dont l’un est bénévole) : un fonctionnaire plus tout jeune et ronchon, ancien agent du renseignement, Marcel (Michel Vuillermoz, toujours parfait), et amant de l’ex-directeur du service qui a démissionné subitement ; une jeune assistante téléphonique un peu allumée, Véra (Daphné Patakia, drôlissime et étrange), qui reçoit et trie les appels des citoyen·nes convaincu·es d’avoir vu un ovni ; et un jeune archiviste éveillé et doué en informatique (celle de 1978…), Rémy (Quentin Dolmaire, épatant).
Plus un flamant rose (un vrai), débarqué d’on ne sait où mais mêlé à un phénomène étrange sur lequel nos personnages vont devoir enquêter. D’abord désespéré, Mathure va finir par s’intéresser à son nouveau poste et s’attacher à son équipe de bras pas si cassés que cela.
A vrai dire, la première saison d’OVNI(s) est impossible à raconter et constamment surprenante. Sachez seulement qu’on y croise de doux·ces dingues et des fou·folles furieux·euses, un jeune cinéaste hollywoodien en quête d’informations, le cousin de Casimir (oui, le personnage de L’Ile aux enfants), une secte, une commandante des services secrets menaçante (Nicole Garcia), des Inuits qui n’en sont pas vraiment, une belle dissidente soviétique, j’en passe et des meilleures. Et pas mal de gendarmes à moustache et à képi.
Poétique et burlesque
Car le charme d’OVNI(s) tient en grande partie à la reconstitution fantasmée, joyeusement caricaturale mais souvent bien vue, de la France de la fin des années 1970 – jusque dans le choix des musiques. Les hommes fument et boivent du whisky à tout bout de champ, portent un tricot de corps sous leur chemise, les calculs de trajectoire de fusée se font à l’aide de fiches perforées, etc. On en rit d’autant plus qu’on sent l’allusion à Mad Men et son souci de la véracité dans le détail. Sauf que nous sommes en France, et que tout paraît toujours un peu petit, ce qui ajoute une touche de dérision à l’ouvrage.
Le récit “policier” se double d’une comédie du remariage entre Mathure et son épouse, qui révèle à quel point la carrière de l’homme des années 1970 passait tout naturellement avant celle de sa femme, sans que personne ne s’en offusquât le moins du monde, sinon elle… Et puis OVNI(s) se montre souvent poétique (des idées visuelles burlesques), s’amuse à citer certains films célèbres (sans jamais tomber dans le fétichisme cinéphile)… Et surtout ne délivre pas un message ras du plancher.
Finalement, ce ne sont pas les extraterrestres qui comptent le plus, et le scénario s’acharne sans cesse à contourner la question de leur existence, à jouer avec elle sans la résoudre totalement (enfin presque…). C’est l’attitude des humains face à l’idée d’une présence extraterrestre sur notre planète qui intéresse ses auteur·trices.
Des humains au comportement si bizarre et absurde – avec le regard que nous donne aussi la distance temporelle avec les années 1970 – qu’on finit par se demander s’ils ne sont pas les vrais extraterrestres de toute cette riante, alerte et réjouissante comédie. La deuxième saison est déjà en cours de production.
OVNI(s) à partir du 11 janvier sur Canal+
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