Nous avons demandé à Bertrand de Labbey, patron de la première agence artistique euopéenne, si la série « Dix pour cent » reflétait la réalité de son métier.
Ce soir seront diffusés sur France 2 les deux derniers épisodes de la première saison de Dix pour cent, l’excellente série de France 2 qui nous plonge, avec humour et causticité, dans le quotidien houleux d’une agence artistique fictive. Fictive certes, mais à quel point ? On le sait, la série créée par Fanny Herrero s’appuie sur un projet instillée depuis plusieurs années par Dominique Besnehard, ancien agent superstar reconverti en producteur. Un gage de véracité ? C’est ce qu’on a essayé de savoir.
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Manipulation, mensonges éhontés, petits arrangements de derrière les fagots… Est-ce là le lot de tous les agents artistiques ? Si Dix pour cent – qui tire son nom de la part du revenu d’un artiste reversé à son agent – propose des personnages attachants, denrée rare dans le paysage de la série française, c’est en partie du fait de leurs travers – carriérisme borné, tempérament orageux – induits par leur métier d’agents artistiques. Afin de déterminer à quel point ASK, l’agence inventée dans la série, s’appuie sur un socle réel, nous avons interrogé Bertrand de Labbey, agent artistique de renom.
Il est l’agent de Catherine Deneuve, d’Anouk Aimée, de Line Renaud, de Gérard Depardieu, d’Alain Chabat ou de Jean-Paul Belmondo, il fut l’un des premiers agents à renégocier les royalties d’un artiste et est réputé pour exiger des cachets pharaoniques pour ses acteurs, Bertrand de Labbey, patron d’Artmedia, première agence artistique européenne, est l’un des agents les plus influents en France. Quand on lui demande si Dix pour cent correspond à la réalité de son métier, il nous répond tout de go : « Absolument. Ca ne fait aucun doute« , avant de poursuivre :
« Les situations que montrent la série sont des choses qu’on a vécu avec Dominique [Besnehard, producteur de la série et ancien agent, nldr], qui a été mon partenaire pendant longtemps. Même si parfois, les intrigues sont un peu poussés, ou disons enjolivés, j’ai connu dans ma carrière des situations qui y ressemblaient franchement. »
Bertrand de Labbey, qui ne dissimule pas son enthousiasme à l’égard de la série, se prête même au jeu de la comparaison, déclarant qu’il partage avec un personnage de la série, et pas le plus sympathique, certains traits de caractère.
Le presonnage de Matthias [joué par Thibault de Montalembert, nldr], c’est un mélange de François Samuelson [agent artistique officiant à InterTalent, ndlr] et de moi. En ce qui me concerne je veux bien qu’on dise que je suis manipulateur, que j’ai toujours trois coups d’avance, mais jamais je n’aurais fait ce que fait le personnage, c’est à dire essayer de capter le talent d’un de mes confrères à mon profit. Même si ça arrive souvent qu’un agent se retrouve face à un conflit d’intérêt important.
Les conflits d’intérêts, qui sont montrés de manière cocasse dans Dix pour cent sont visiblement monnaie courante dans le métier. Nous en avons profité pour demander à Bertrand de Labbey s’il avait sous le coude l’une ou l’autre anecdote dans le ton de la série.
« J’ai connu un conflit d’intérêt de ce type il y a pas mal d’années. A l’époque j’étais l’agent de Patrice Chéreau, de Daniel Auteuil, et, depuis peu, de Patrick Bruel. A ce moment là Chéreau préparait La Reine Margot et pensait à Daniel Auteuil pour jouer Henri IV. Patrick Bruel, qui avait eu vent du projet, m’appelle en me disant «Bertrand, je pense que je ferais un très bon Henri IV». Je connaissais évidemment les goûts de Patrice et c’était pas évident. Depuis Patrick a pris des galons de comédiens mais, à l’époque, c’était moins le cas. Et puis en même temps je représentais Daniel Auteuil. J’avais pris l’habitude, en cas de conflit d’intérêt, de prévenir tous les partis. J’ai donc prévenu Daniel et organisé un rendez-vous entre Bruel et Chéreau. Ce qui est quand même difficile puisque j’avais déjà un comédien choisi pour le rôle. On est pile dans la série. »
Une anecdote qui rappelle le deuxième épisode de la série dans lequel Line Renaud et Françoise Fabian se disputent le rôle principal d’un film d’auteur ambitieux. La résolution de l’affaire entre Chéreau, Auteuil et Bruel diffère néanmoins de celle de Dix pour cent , qui concède bien évidemment la réalité pure et dure du métier aux enjeux dramatiques de la série. Bertrand de Labbey poursuit :
« Patrice Chéreau, qui était un homme d’une grande élégance, a dit que si j’y tenais, il rencontrerait Patrick Bruel. Au fond de moi je me disais que ça ne collerait pas mais je préviens Patrick, lui disant que le rendez-vous était pris. Ce à quoi il me répond : « tout ce que je demande c’est que le rendez-vous soit dans 15 jours ». Ce n’était pas un problème, même si je me demandais pourquoi attendre aussi longtemps. Au bout de quinze jours j’ai compris. Il est arrivé dans mon bureau, 5 kilos en moins, habillé tout en noir, affichant fièrement une barbichette à la Henri IV. Après leur rendez-vous, Patrice Chéreau m’a appelé pour me dire qu’il avait été épaté par Patrick, par sa modestie et sa volonté de décrocher le rôle. Il m’a dit avoir hésité, mais il est quand même revenu à son premier choix, et c’est Daniel Auteuil qui a eu le rôle. »
Ce ne seront pas Daniel Auteuil et Patrick Bruel qui joueront leur propre rôle dans les épisodes de Dix pour cent, diffusés ce soir, mais Julie Gayet, Joey Starr et François Berléand. Rendez-vous à 20h55 sur France 2 pour voir le résultat.
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