Dans un Grand Rex survolté, les queens de la deuxième saison de “Drag Race France” ont livré un superbe show flamboyant et légendaire. La gagnante sera connue ce vendredi 25 août, lors de la diffusion de l’ultime épisode sur France 2.
Dimanche 20 août, à 18 h, quelque chose brûle dans l’air de Paris. Après une moitié d’été digne de novembre, le soleil tape fort, à nouveau. Les moteurs des rares voitures dispersées dans la ville crachent leur fumée dans les rues désertées ou presque… Du côté des grands boulevards, dans le 10e arrondissement, une foule colorée est venue braver l’immobilisme du mois d’août pour s’entasser au pied d’un Grand Rex flambant neuf. C’est ici qu’avait lieu l’enregistrement de l’ultime épisode de la saison 2 de Drag Race France, événement auquel seul·es 2700 chanceux·euses ont eu le privilège d’assister.
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La configuration, bien connue outre-Atlantique où RuPaul’s Drag Race, l’émission-mère aux quinze saisons, enregistre ses finales devant un auditoire, reprise pour l’adaptation française, témoigne d’une notoriété grandissante après le succès inattendu de la première saison. Une façon de célébrer sa longévité, renforcée ces dernières années par la démocratisation d’une pratique, le drag, passée de l’underground à un certain mainstream.
Sublimes créatures
Dimanche, dans cette immense salle du Rex qui rendait hommage à cet art de la démesure propre au show (façon gala camp) et où flottait le parfum d’un vibrant et joyeux ralliement, se croisent sublimes créatures, fans de la première heure et stars (Béatrice Dalle, Virginie Despentes, Barbara Butch et bien évidemment les juré·es Kiddy Smile et Daphné Bürki). Au milieu de la scène, la DJ-drag Julien de Bomerani a pour tâche d’ambiancer, à grand renfort de Britney et de Katy Perry, les premier·ières entrant·tes survolté·ées.
Quelques degrés et minutes plus tard, le tournage peut enfin démarrer. Il sera long (cinq heures environ), marqué de pauses (autant de moments opportuns pour entamer des “On veut Nicky ! On veut Nicky!”), de séquences à rejouer et d’instants suspendus dont la franchise française a désormais prouvé qu’elle détenait le précieux secret.
L’émotion est d’abord celles des retrouvailles quand Nicky Doll, maîtresse de cérémonie et patronne du show, jamais aussi sublime qu’en avatar de Marilyn, appelle une à une ses onze reines sur scène. La tension grimpe dans la salle ondulante au gré des mouvements de va-et-vient d’une armée d’éventails roses inutiles face à la fièvre, quand déboulent enfin les quatre finalistes : Keiona, majestueuse, Punani en vamp vénéneuse, Mami Watta, follement charismatique et enfin Sara Forever, garçonne survoltée aussi flippante que fascinante.
Célébration collective
Les quatre queens doivent alors s’affronter, chacune leur tour, dans des tableaux individuels et personnalisés avec chorégraphie et chanson originale taillée sur mesure. On se souviendra de l’entrée fracassante de Keiona et sa classe imbattable, de l’irrévérence de Mami Watta jouant à outrance de son narcissisme légendaire dans une parade drolatique, de l’air narquois de Punani, longiligne diablesse prête à tout pour obtenir la couronne et enfin de l’électrique Sara Forever complètement “fooooolle”, plus grimaçante et déchaînée que jamais.
En contre-champ, c’est une autre horde de queens qui agite les rangs du Rex. Dans leurs plus belles parures, la Kahena, la Grande Dame, la Big Bertha, Kam Hugh, la Briochée et Lova La Diva chahutent joyeusement la tenue du show avec ricanements et invectives bien senties. Dans la salle, le volume sonore délirant donne quelques indices des favorites de cette finale et orchestre des batailles auditives démentes. Les proches et crews respectifs sont venus en nombre pour soutenir leurs favorites, qui ne sont pas seulement les finalistes à en juger par le déluge fou d’applaudissements pour Moon, la plus élégante des sortantes de cette saison.
Le sens du suspense
Passé le défi des tableaux arrive le climax de la soirée où l’imperturbable Nicky annonce le nom des deux finalistes, prêtes à s’affronter dans un lipsync final. Comme pour la première saison, l’identité de la gagnante ne sera révélée qu’à la diffusion de l’épisode (ce vendredi soir). Dimanche, les spectateur·rices présent·tes auront donc assisté à l’enregistrement et à la mise en scène d’une fausse victoire, jouée successivement par les deux finalistes. Malgré la supercherie, ce soir-là, les deux instants de triomphe sont accueillis comme de véritables succès et la présence sur scène de la reine Paloma, gagnante de la saison 1, sublime dans une robe délicieusement référencée, n’aura pas calmé les ardeurs du public.
D’autres moments forts ont marqué le spectacle d’une note particulièrement sensible dont une prise de parole surprise qui parvenait à stopper le mouvement d’une salle désormais à l’arrêt, figée par l’émotion. Enfin, le passage le plus beau et le plus foudroyant de la soirée est venu d’une des reines du bal, dont le geste a cristallisé à lui seul, avec une puissance d’évocation folle, toute la force politique et poétique du drag : l’image d’une page blanche bientôt souillée comme métaphore du risque et du courage de s’écrire soi et de s’inventer en dehors des modèles de domination.
Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne savons toujours pas qui à remporté la finale de la saison 2 de Drag Race France. Mais en ce dimanche soir, aux alentours de minuit, à la sortie du Grand Rex, un sentiment de consolation se propageait dans l’air désormais doux de la ville.
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