Toujours inspiré par les feuilletonnesques “Vampires” de Louis Feuillade, Olivier Assayas ressuscite son film de 1996 en série. Plongée en exclusivité au cœur de sa fabrication.
L’une de nos attentes de l’année se fabrique dans un passage du XIe arrondissement parisien, lieu de montage des huit épisodes qu’écrit et réalise Olivier Assayas pour HBO.
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Douze ans après Carlos, la minisérie qui lui avait valu un Golden Globe, le cinéaste français (Clean, Sils Maria, etc.) s’est lancé dans le projet un peu fou de transformer Irma Vep – son propre film de 1996 avec Jean-Pierre Léaud et Maggie Cheung, inspiré des Vampires de Louis Feuillade (1915) – en huit épisodes qui racontent l’histoire de Mira (Alicia Vikander), star de cinéma américaine venue tourner à Paris après une rupture et bientôt incapable de distinguer la réalité de la fiction, l’art de la vie…
Le titre est resté le même, mais l’angle change. “Je fais tout ce que je n’ai pas fait dans le film d’origine, explique Assayas. Je me sers comme base du serial originel de Feuillade, composé de dix épisodes que j’ai réduits à huit. Il y a toujours un film dans le film, mais d’autres couches se superposent. J’évoque la figure de Feuillade en le mettant en scène dans des flashbacks avec Vincent Macaigne. Tout à coup, l’équipe du film dans le film devient celle de Louis Feuillade sur le tournage des Vampires en noir et blanc… J’ai utilisé les souvenirs de Musidora, l’actrice, qui a raconté plusieurs fois son expérience sur le plateau. J’essaie de faire naître le romanesque dans la manière dont les fantômes du passé hantent les protagonistes du présent.”
« Ça avance et ça digresse »
Pour façonner cet entrelacs d’époques et de genres – la série, qui réunit également Vincent Lacoste, Jeanne Balibar, Jerrod Carmichael ou encore Adria Arjona, assume à la fois la comédie et le drame intime –, Marion Monnier et François Gédigier travaillent en parallèle au montage, histoire de se plier aux exigences de vitesse de HBO, qui a commandé le projet juste avant le premier confinement.
“Je ne vois pas une différence fondamentale avec ses films, raconte la première, qui a notamment monté Personal Shopper. En même temps, Olivier joue le jeu de la série, qui nécessite des stimulations, des surprises, des climax. Il ne se formate pas mais fait en sorte que ce ne soit pas linéaire : ça avance et ça digresse à la fois.” Son collègue, ultra-expérimenté dans le cinéma d’auteur français (Desplechin, Chéreau notamment), s’est pris au jeu : “Il y a plusieurs régimes d’images et de fictions, de nouveaux personnages apparaissent au fil des épisodes et tout se mêle avec fluidité, c’est assez plaisant.”
“À la fois dans l’inconnu et dans la joie”, Assayas a affronté ce travail de titan avec un réel enthousiasme, que la collaboration avec une chaîne américaine exigeante n’a pas altéré : “Je me suis amusé sur le tournage, à la fois sympathique, ludique et plein d’improvisations, avec des acteurs complices, confirme le réalisateur. Irma Vep, c’est simultanément une comédie, un film de fantômes et une réflexion sur le monde contemporain à travers le cinéma. Constamment se pose la question de l’identité, de la nature même de l’objet. En fait, on a tourné une série adaptée d’une série et réalisée par un cinéaste qui lui-même a fait autrefois une version cinéma à petit budget de cette série. Vous suivez ? (rires) C’est un drôle d’animal.”
Irma Vep d’Olivier Assayas, avec Alicia Vikander, Vincent Macaigne, Jeanne Balibar. Sur OCS en juin.
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