Des nudes d’adolescent·es fuitent sur les réseaux sociaux… Quelles conséquences pour les victimes et les bourreaux ? Cette série française en dix épisodes réalisée par Sylvie Verheyde, Lucie Borleteau et Andréa Bescond raconte comment la cyberviolence s’immisce dans les relations adolescentes. Beaucoup plus réaliste que “Sex éducation”, mais plus problématique aussi…
Ce mardi 6 février, c’est la journée internationale pour un Internet plus sûr, ou Safer Internet Day, rendez-vous annuel de sensibilisation aux usages du numérique à destination des jeunes. La sortie quasi concomitante de Nudes, sur Prime Video, n’a rien d’un hasard calendaire, et traduit la visée pédagogique de cette série teen française, qui ambitionne de scruter les comportements à risque, et les retombées délétères, de l’envoi de photos dénudées chez les adolescent·es. Pour balayer le spectre des risques, du slutshaming au cyberharcèlement en passant par la pédocriminalité, la série se décompose en trois histoires (chacune faisant 3 ou 4 épisodes), qui interrogent autant de comportements problématiques, à l’heure où près de 75 % des jeunes âgées de 13 à 25 ans déclarent avoir déjà envoyé un nude (selon une étude publiée en 2022).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est d’abord celle de Victor, jeune adulte issu de la bourgeoisie, président du BDE de sa fac de médecine promis à un avenir radieux, qui voit sa vie se fissurer quand une plainte est déposée par une de ses camarades de promo, de surcroît mineure, lui reprochant d’avoir filmé, puis diffusé sur les réseaux, ses ébats lors d’une soirée arrosée. C’est ensuite celle de Sofia, lycéenne tiraillée par le déterminisme social, qui devient la risée de son bahut quand une vidéo d’elle couchant avec une fille est massivement diffusée, ici encore sur les réseaux sociaux. C’est enfin les déboires d’Ada, collégienne de zone rurale, victime de pédocriminalité et de chantage après avoir envoyé des nudes à celui qu’elle prenait pour son crush.
Des choix de mise en scène étonnants
À l’inverse de la brillante Sex Education, autre série teen à visée pédagogique qui s’échinait à cartographier scrupuleusement l’éventail des sexualités chez les adolescent·es avec un vœu d’inclusivité sacerdotale, Nudes se veut plus réaliste que son aînée britannique – qui assumait une forme d’utopie – et donc plus amère dans la résolution de ses intrigues.
Si les histoires de Sofia et d’Ada problématisent avec justesse les conséquences de la diffusion d’images à caractère sexuel chez des adolescent·es, celle de Victor s’embarrasse d’une complexité supplémentaire en adoptant le point de vue du bourreau plutôt que de celui de la victime. C’est à la fois le segment le plus ambitieux et le plus glacialement réaliste, et, incidemment, le plus casse-gueule et moralement trouble. La faute à des choix de mise en scène et d’écriture étonnants, dont on ne peut s’empêcher de questionner la pertinence.
Un épisode complaisant
On comprend où la série veut nous emmener en suivant les remous – moraux, judiciaires, amicaux et amoureux – de Victor, jeune bourgeois, blanc, hétéro, pas vraiment féministe mais pas vraiment mascu non plus, qui ne se rend pas compte de la gravité de ses actes. On y parle d’impunité (voire d’immunité) des bourreaux, du sentiment de toute-puissante, sexiste mais aussi classiste, qui organise l’oppression systémique des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres. Soit. Mais on se demande aussi pourquoi 3 épisodes sur 4 sont consacrés à chercher chez les spectateur·ices une forme d’empathie pour Victor, malmené par sa meuf, ses camarades et la justice pour avoir été une grosse merde. Plus encore, on interroge les choix de mise en scène d’une série qui fétichise la teuf, et sexualise à outrance son personnage principal, dans des séquences ultra esthétisées, du genre fêtes débridées organisées par le BDE, qui rappellent les élans formalistes de l’affreux La Crème de la crème de Kim Chapiron.
Si les segments de Sofia et d’Ada ont pour eux un propos limpide, et une ligne claire morale indiscutable (on y suit des victimes outragées) celui de Victor, curieusement complaisant avec un milieu qui favorise le harcèlement qu’elle dénonce, vient fragiliser une série à deux vitesses, aussi salutaire dans son intention que maladroite dans son exécution.
Nudes de Sylvie Verheyde, Lucie Borleteau et Andréa Bescond avec Léonie Dahan-Lamort, Nelligan, Baptiste Masseline… disponible sur Amazon Prime Video
{"type":"Banniere-Basse"}