Si le programme a le mérite de poser sans filtre les tiraillements qui agitent le rap contemporain et que les deux premiers épisodes sont plutôt réussis, la suite est davantage bâclée.
Au moment où le rap français entre au musée avec l’expo Hip-Hop 360 de la Philharmonie de Paris, Netflix lui consacre un télé-crochet calqué sur le modèle de son équivalent américain Rhythm + Flow. Ces deux événements disent bien à quel point le rap s’est institutionnalisé en France depuis quelques années, au point de devenir un genre musical ultra-dominant. Mélangeant la tradition des battles entre différentes écuries et le principe d’un concours façon Nouvelle Star, Nouvelle École invite vingt-quatre jeunes talents à s’affronter lors de plusieurs épreuves (freestyles, battles, etc.). Ils et elles sont jugé·es par trois artistes – Shay, Niska et SCH – représentant chacun·e les trois centres névralgiques du rap francophone : Bruxelles, Paris et Marseille. À l’issue de cette compétition, le·la gagnant·e repartira avec un chèque de 100 000 euros pour lancer son projet musical.
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Diffusé en deux salves de quatre épisodes, Nouvelle École débute par deux épisodes plutôt réussis, où Shay, Niska et SCH vont à la pêche aux talents dans leurs villes respectives. Dans des conditions épurées, les candidat·es exécutent une de leur composition au son d’une instru générique, avant d’être informé·es si, oui ou non, leur performance leur permettra d’intégrer l’émission.
Trois esthétiques distinctes
En termes de décors, Nouvelle École travaille en pointillé trois esthétiques distinctes et propres aux trois villes. Si les maisons d’architecte à large baies vitrées de Marseille font penser au cinéma de Michael Mann, les intérieurs tout en néons violacés de Bruxelles font cette fois penser aux films de Nicolas Winding Refn. Tandis que les pieds de barres d’immeubles de Paris, renvoient, à une génération d’écart, aux Misérables de Ladj Ly ou à La Haine de Mathieu Kassovitz.
Ces trois esthétiques se prolongent dans les styles vestimentaires des trois juges : à Shay les coupes minimalistes sans concession, à Niska un style streetwear plus traditionnel et à SCH les tenues les plus baroques. La scène où il choisit ses vêtements est d’ailleurs le moment le plus drôle de la série. La présence et les mots du rappeur marseillais font un bien fou à Nouvelle École. Parmi les trois juges, lui seul semble habité par un profond désir de transmission. Il est content d’être là et ça se voit, les autres moins.
Accompagnement éducatif très pauvre
Les épisodes suivants, nettement plus bâclés, se déroulent entre une scène et ses backstages. Les performances et les éliminations s’enchaînent sans qu’on ne comprenne totalement les règles, tandis qu’apparaissent de nouveaux visages. On est saisi par le nombre de prestations ratées ou d’oubli de texte. Si ce côté brut tranche avec les télé-crochets du même type, on ressent un certain malaise. On ne peut s’empêcher de se dire que ces jeunes talents sont balancé·es un peu n’importe comment dans l’arène. Le souci avec Nouvelle École, c’est que l’émission propose paradoxalement un accompagnement éducatif très pauvre. Les artistes qui s’en sortent le mieux sont donc logiquement celleux dont le rap est déjà bien en place. On pense à BB Jacques ou Leys.
Reste que Nouvelle École a le mérite de poser sans filtre les tiraillements qui agitent le rap contemporain : la tentation de la diversification des styles au détriment de l’authenticité, la proximité avec le consumérisme sans frein du monde de la mode et l’exigence de déconstruire une image encore sexiste.
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