Le festival des séries s’achève ce samedi après une première édition lilloise (la neuvième si on compte les années parisiennes au Forum des Images) qui a fait la part belle aux séries internationales. Notre best-of en attendant le palmarès.
Ad Vitam (France, compétition)
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Ultra attendue pour bousculer la terne dynamique française actuelle, la série de SF de Thomas Cailley – réalisateur césarisé des Combattants – imagine un monde où la mort a été vaincue grâce à une technique de régénération. Certain-e-s résistent et veulent se souvenir que « rien n’est éternel ». Coincé dans son quotidien de flic depuis des décennies, Darius (Yvan Attal) enquête sur une vague de suicide d’adolescents, avec l’aide de Christa (Garance Marillier), jeune psychotique lui servant de guide et de relais pour comprendre ces enfants perdus. Parfois un peu convenue dans sa manière de styliser à outrance un polar d’anticipation finalement assez classique sur la transmission et le deuil, Ad Vitam s’épanouit dès que Garance Marillier surgit. L’étrangeté et la fragilité bouleversantes de la comédienne repérée dans Grave permettent à Cailley d’exprimer son ambition plastique et émotionnelle. Dans ses pas, il quitte le monde des séries françaises bétonnées pour atterrir dans un ailleurs peu exploré, façonnant un sombre voyage mental et sensoriel.
Prochainement sur Arte
An Ordinary Woman (Russie, compétition)
Nouvel arrivante sur le marché sériel international, la Russie propose avec An Ordinary Woman un drame bien ficelé, aux accents burlesques, dans lequel Marina, une mère de famille, est aussi maquerelle. Alternant entre ses obligations familiales, révélant au passage la pugnacité du patriarcat russe, et la gestion de ses escorts, Marina mène une double vie épuisante jusqu’à ce que l’une de ses « filles » disparaisse. Un portrait de femme qui ne tombe jamais dans la moralisation et se place du côté de l’expérience féminine, celle d’une quadra ordinaire qui se débat pour trouver une forme d’indépendance, même si cela se fait aux dépends de la sororité.
Autonomies (Israël, compétition)
Dans la lignée de Hatufim et Be Tipul, Autonomies poursuit la tradition d’excellence des séries israéliennes. Dans une dystopie très poche, Israël est scindée en deux. Un croque-mort, père de famille nombreuse résidant à Jérusalem, devenue entièrement juive orthodoxe, va chercher des corps à Tel Aviv, maintenant état séculaire. En parallèle, une sage-femme révèle avoir échangé des bébés à la naissance. Depuis neuf ans une fillette d’une famille orthodoxe a été élevée par d’autres parents. Les drames familiaux et amoureux prennent le temps de se nouer devant nos yeux alors que la situation géopolitique devient une métaphore représentant le tiraillement entre deux entités et deux identités. Complexe et fascinant.
Warrior (Danemark, compétition)
La figure du soldat revenu traumatisé d’une expérience de guerre est un grand profil de personnage contemporain, vu à plusieurs reprises dans les séries de ces dernières années, de l’américaine You’re The Worst à l’israélienne When Heroes Fly, gagnante du récent festival Cannes Séries. La danoise Warrior raconte l’infiltration d’un gang de bikers mafieux par un ex-membre d’une unité d’élite de l’armée, hanté par la mort d’un collègue en Afghanistan. Portée par le magnétique Dar Salim, Warrior tisse un solide récit qui montre comment la violence du monde se répand tel un virus jusqu’aux individus et à leur intimité tombée en pièces. Dans un genre balisé, une bonne surprise pleine de noirceur et de chaos.
American Woman (USA, compétition)
Dans sa superbe maison de Beverly Hills, Bonnie (Alicia Silverstone) sait accueillir son mari avec un martini parfaitement dosé. Une qualité qui ne va pas l’emmener bien loin lorsqu’elle découvre que ce dernier la trompe et qu’il est ruiné. Avec ses filles sous le bras et l’aide de ses meilleures amies, Bonnie va apprendre à devenir un modèle de femme indépendante dans la Californie des années 70. Chronique bien léchée d’une desperate housewife découvrant le féminisme, la série écrite par John Riggi et produite par John Wells (Urgences, Shameless) est un joli bonbon acidulé qui devra surprendre en peu plus pour convaincre sur la durée.
Sur Paramount Network à partir du 7 juin
The Split (Angleterre, compétition)
Grand succès en Angleterre, la série d’Abi Morgan (Suffragette, The Hour) explore l’élasticité des liens familiaux entre une mère et ses trois filles lorsque le patriarche refait surface après vingt ans d’absence. Trois d’entre elles sont de grandes avocates travaillant dans des cabinets concurrents. Perchées sur leurs stilettos, les héroïnes s’affrontent et s’entraident en décortiquant contrats de mariage et papiers de divorce. Lisse et efficace comme un bon épisode de The Good Wife, la série se met à palpiter quand la rivalité s’immisce dans les rapports de filiation et que Hannah, la fille aînée approchant la cinquantaine, découvre ses propres failles.
Actuellement sur BBC1
Thanksgiving (Compétition française)
Hanté par l’imaginaire Hitchockien, Nicolas Saada (ex-critique, réalisateur de Taj Mahal et Espion(s)) injecte dans sa minisérie en trois épisodes Thanksgiving une dose de mystère et de tension dans la relation amoureuse d’un couple qui se délite. D’un côté l’épouse américaine Louise, à la blondeur de Grace Kelly, goûte aux frissons de l’espionnage, de l’autre son époux Vincent se frotte au côté obscur du piratage informatique. Le télescopage de leurs trajectoires secrètes se fait avec finesse. Malgré une pudeur des corps qui frôle le manque d’incarnation, les trois épisodes émettent une mélodie entêtante et étrange.
A l’automne sur Arte
25 (Compétition française)
Les jeunes adultes n’ont presque jamais droit de cité dans les séries françaises – surtout pas en tant que héros ou héroïnes -, peut-être parce que leur génération ne regarde plus la télé. Plus libre que les autres, OCS se fiche de ces contraintes et propose après les ados des Grands l’épopée personnelle et bluesy d’un jeune homme de vingt-cinq ans. Largué par sa copine dès la première scène, Jeremy (Bryan Marciano, également créateur et réalisateur) reboote sa vie avec difficulté. 25 a du style et quelque chose d’un humour potache infusé à la mélancolie. Une promesse à tenir. L’autre série OCS vue à Séries Mania, Nu, a en revanche déçu, échouant à faire de son postulat de départ – une dystopie où tout le monde doit vivre à poil – autre chose qu’un prétexte à vannes plutôt répétitives.
Prochainement sur OCS
On The Spectrum (Compétition, Israël)
Dans l’une des premières scènes de On The Spectrum, un trentenaire atteint du syndrome d’Asperger se présente à un entretien d’embauche parce que doué en informatique. Là où d’autres auraient montré son génie comme on exhibe une créature de cirque, la série israélienne dépeint plutôt sa difficulté à mener une vie normale. Avec deux colocs également en situation de handicap mental, ils forment un trio surprenant flirtant avec la comédie, le ridicule et néanmoins débordants de désir. Une réussite sensible et fauchée qui venge de tous les Rain Man de la terre.
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