Géniale emmerdeuse à l’humour juif décapant, figure de l’intelligentsia new-yorkaise, essayiste et lesbienne rebelle, Fran Lebowitz est portraiturée par son ami Martin Scorsese dans Si c’était une ville… Une série documentaire en sept épisodes à découvrir sur Netflix.
Connaissez-vous Fran Lebowitz ? Sûrement non. Martin Scorsese a remédié à cette ignorance fâcheuse en consacrant à son amie de longue date un documentaire en sept épisodes, intitulé d’un commun accord avec l’intéressée Si c’était une ville… Car ce portrait d’une figure de l’intelligentsia new-yorkaise de ces quarante dernières années est indissociablement celui d’une ville chérie-haïe par deux autochtones majeur·es : Martin Scorsese et Frances Ann Lebowitz, née en 1950 à Morristown (New Jersey) dans une famille juive.
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Une géniale emmerdeuse
Sur un air de rumba, on découvre Fran, râleuse aux allures de pitbull chic, déambulant dans les rues en regardant ses pieds pour signaler des plaques commémoratives incrustées dans les trottoirs mais que personne ne regarde car un important message (“n’oublie pas d’acheter des cornflakes”) est arrivé sur le portable. Le ton est donné et le rythme aussi : trépidant et d’une drôlerie ininterrompue. Le fameux humour juif new-yorkais dont Fran est la meilleure porte-parole.
Si c’était une ville… alterne des captations de débats publics et des entretiens intimes avec Scorsese. Le tout augmenté de documents d’archives sur New York ou d’extraits de films, éclairants, car ayant façonné la psyché rebelle de Lebowitz.
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Alors, qui est-elle ? Une géniale emmerdeuse qui, arrivée à New York au début des années 1970, y creuse le sillon de sa “libération”. Jeune lesbienne assumée, elle accompagne les revendications gay, exerce des métiers divers (chauffeuse de taxi, femme de ménage…) mais jamais serveuse (“parce qu’il fallait coucher avec le patron”), avant d’être recrutée par Warhol pour son magazine Interview, où elle assure jusqu’en 1981 une chronique vipérine et hilarante sur les coutumes de la cité. Pendant cette même période, elle publie deux essais eux aussi incendiaires et à hurler de rire : Metropolitan Life (1978) et Social Studies (1981).
Un modèle d’incorrection
Un personnage mais surtout une personne de haute culture (plus de 10 000 livres dans sa bibliothèque) qui manifeste une folle sagacité dans à peu près tous les domaines. Séquences mémorables sur les enfants d’aujourd’hui “déguisés en cosmonautes et ligotés sur la banquette arrière des voitures” ou sur le boum immobilier qui a enrichi New York en la vidant de sa population bohème (“écrivains, artistes, putes… ”). Encore ! Encore ! Car Fran est une conteuse que rien n’arrête, pas même la perspective de sa mort : “J’ai passé l’âge de mourir jeune !”
Le secret de son impressionnante vitalité ? Pas d’ordinateur, pas de portable, et surtout pas de sport ! “J’ai deux activités dans la vie : fumer et préparer ma vengeance.” Fran Lebowitz est un modèle d’incorrection.
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