Veuf et père de cinq enfants, Nehama rêve d’un changement de vie. Une série israélienne qui évite l’écueil de la complaisance autofictionnel par sa fulgurante qualité d’écriture.
Selon les séries contemporaines, il semblerait que faire rire reste la meilleure façon de conjurer l’ennui ou la tristesse d’une vie qui déraille. Dans The Marvelous Mrs. Maisel, l’héroïne s’émancipe post-mariage en foulant la scène de clubs de comédie pas toujours chic. La série Amazon vient de boucler sa troisième saison. A des milliers de kilomètres de là, en Israël, le même trajet s’invente pour un homme d’une quarantaine d’années.
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Guy Nehama perd sa femme dans un accident et se retrouve avec cinq enfants sur les bras et l’envie de tout faire exploser. Son boulot dans une entreprise de la tech le rend un peu plus malheureux qu’il ne l’est déjà, si cela est possible. Il n’a subitement plus l’énergie pour rester du côté des gagnants de la start-up nation. Le voilà reprenant son rêve de jeunesse de devenir un as du stand-up, tout en jonglant avec un quotidien d’aventurier de la paternité, coloré de noir par le deuil soudain.
Une forme d’autoportrait assez nuancé
Nehama fait partie de la vague de séries israéliennes qui se fraient un chemin jusqu’à nous depuis le milieu des années 2000 et le carton mondial de BeTipul (devenue In Treatment pour HBO). Récemment, Our Boys a montré avec puissance et délicatesse la réalité d’un pays où l’une des premières luttes des créateurs et créatrices consiste à faire exister plusieurs points de vue – il s’agissait de raconter le tragique été 2014, qui avait vu notamment la mort d’un jeune Palestinien en représailles à celle de trois ados juifs enlevés par le Hamas. Nehama n’a pas cette grave ambition et se présente avant tout comme la chronique d’existences fragilisées quand le malheur frappe. Mais une bonne surprise se dessine.
L’acteur principal, Reshef Levi, a coécrit et imaginé la série comme une forme d’autoportrait assez nuancé : père courage, poète plus ou moins maudit, sale gosse et employé anti-modèle… Ce désir de façonner une figure masculine diffractée fait du bien.
Dans ses pas, la série emprunte une quantité de chemins de traverse, dérives soudaines, pas de côtés qui servent à la fois la profondeur existentielle du propos et sa fantaisie. Ici, l’un et l’autre avancent main dans la main : Nehama est un personnage au fond inadapté, qui préfère divaguer en inventant dans sa tête des séries ou pièces de théâtre à venir (belles séquences qui montrent le fruit de son imagination) plutôt que de s’accrocher au wagon de la réussite à tout prix.
Comme toute série plus ou moins enclenchée par un désir d’autofiction, Nehama se joue à quitte ou double. On peut trouver cet homme égocentrique (il l’est) et un peu trop enclin à se donner le beau rôle (ce qui est à nuancer). Mais l’énergie déployée par la série, sa qualité d’écriture assez fulgurante permettent de dépasser constamment les réserves qui pourraient naître. Que ce soit à travers une scène d’enterrement géniale ou un date improbable au milieu de la nuit, Nehama ne se laisse jamais tranquille et préfère imaginer chaque épisode, voire chaque scène, comme l’occasion de reformuler la fiction de départ. A expérimenter d’urgence.
Nehama Sur Canal+ et myCanal
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