Sérié emblématique de Netflix, « Narcos » est de retour avec une quatrième saison qui change presque tout en déménagement au Mexique. Véritable renaissance ou narcolepsie ?
En 2015, Netflix créait la sensation avec Narcos. En s’émancipant du film de gangster, la série parvenait à cerner au mieux son fascinant personnage central, Pablo Escobar, un pays déchiré, la Colombie, et une époque folle, les années 80-90. Sa grande réussite était d’accorder sa thématique avec la langueur permise par la série. Si elle n’était pas exempte de rebondissements, d’action, voire d’extrême violence, Narcos prenait son temps, détourait ses personnages et son intrigue avec une impressionnante science du tempo. Cette étude des hommes et de leur actions s’appuyait tant sur une réalisation soignée que sur une recherche documentaire poussée.
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Narcos, symbole de l’emprise de Netlifx sur le marché mondial
Après la mort de Pablo Escobar et une troisième saison épilogue réussie, pourquoi remonter le concept de la série dans un nouveau pays ? Sans-doute parce que le géant du streaming est particulièrement attaché à cette série qui lui a permis de franchir un cap décisif dans la conquête du marché mondial. Il est d’ailleurs tentant de dresser une analogie entre la place qu’occupe aujourd’hui Netlifx dans le paysage économico-culturel mondial et l’obsession de Narcos : montrer comment les trafiquants ont bâti leur empire à partir d’une substance hautement addictive. La série, et son fournisseur tout-puissant, Netflix, sont le nouvel opium du peuple. Et Narcos a été une pièce maîtresse dans la stratégie d’addiction du géant rouge. Car après House of Cards (première grande série produite par Netflix) et Orange is the New Black mais avant The Crown et Stranger Things, Narcos représentait un pari fou : décliner son modèle de série à gros budget dans une autre langue que l’anglais, étendre son empire non-seulement à la communauté hispanique des Etats-Unis mais à toute l’Amérique du Sud et à l’Espagne. Le succès ayant été au rendez-vous, Narcos a été l’indispensable première pierre dans l’édification d’un empire allant bien au-delà du marché strictement anglophone.
Un déménagement au Mexique
Après une troisième saison qui prenait de la hauteur en dressant plus le portrait d’un cartel (et dont du système capitaliste qui le rendait possible), que celui d’un seul homme, Narcos se délocalise au Mexique et se centre désormais sur un nouveau criminel : Felix Gallardo. Ce parrain de la drogue mexicain a été à l’origine de la création du puissant cartel de Guadalajara. Il purge encore aujourd’hui une peine de prison de 40 ans, notamment pour le meurtre d’un agent de la DEA, Enrique Camarena. Parce que son action se situe au même moment que celle de la saison 1 de Narcos, cette quatrième saison est plus un crossover qu’une suite.
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Quand Narcos : Mexico débute, Félix Gallardo – interprété par le très bon Diego Luna, notamment vu dans Rogue One – quitte son emploi de policier pour tenter d’unir les différentes trafiquants mexicains et de former une confédération de la drogue solidaire, un marché apaisé et uni. Cette vision d’un narco-capitalisme est entravée par Enrique Camarena – incarné par le tout aussi talentueux Michael Pena, vu dans Fury et dans la franchise Ant-Man.
https://www.youtube.com/watch?v=VBLcYJ7C4F0
Narcos : Mexico ronronne-t-il ?
La série repose sur ce face-à-face entre l’homme de loi et le gangster. Nous ne sommes donc ni dans le portrait d’un homme aussi complexe que charismatique des deux premières saisons, ni dans celui, métaphorique du capitalisme moderne, d’un macrocosme de la troisième saison. De ce point de vue, Narcos : Mexico emprunte un parcours plus balisé et donc forcément plus ennuyeux.
Si on retrouve avec plaisir son écriture alanguie, son interprétation et sa réalisation de haut-vol, son mélange réussi avec des documents d’archive, son ancrage spatio-temporel aussi juste que sensible et son atmosphère hyper-réaliste faite de violence et de manoeuvres politiques machiavéliques, ses dix épisodes ne proposent pas vraiment le renouvèlement promis par sa délocalisation. Sa démesure (assez magnifiquement annoncée dès les premières images de la saison 1 avec la référence au réalisme magique colombien) semble ici s’essouffler un peu. La faute à une voix-off moins incarnée (son auteur n’est révélé qu’à la toute fin de cette saison), à une structure trop standardisée et à un personnage central moins fort (Pablo Escobar semble mille fois plus fascinant qu’un Félix Gallardo réduit à un avide et cruel entrepreneur). Sans dire qu’il s’agit là d’une saison de trop tant certaines de ses qualités ont survécu au déménagement, Narcos semble avoir laissé un peu de son âme dans les murs de Medellin.
Narcos : Mexico disponible sur Netflix.
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