Diffusée sur Apple TV+, “Mr. Corman” dépeint la crise existentielle d’un instituteur à la vie presque ordinaire mais hanté par la carrière de rockstar qu’il a longtemps effleurée. Une réussite signée Joseph Gordon-Levitt.
Que serait devenu Joseph Gordon-Levitt si sa carrière hollywoodienne n’avait pas décollé ? Et si, heurté par un échec, il avait jeté l’éponge avant de rencontrer le succès ? C’est le monde parallèle qu’imagine Mr. Corman, série diffusée sur Apple TV+ dans laquelle il incarne un instituteur à la vie ordinaire, toutefois hanté par une idée fixe : aurait-il pu devenir le musicien connu qu’il a longtemps rêvé d’être ?
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Un bonheur de surface
Josh Corman est enseignant dans la classe de CM2 d’une école de la vallée de San Fernando, aux abords de Los Angeles. Il vit en collocation avec Victor, son ami du lycée, touche son salaire tous les mois et trouve dans l’exercice de son métier une relative satisfaction. Tous les ingrédients d’un bonheur simple ? Pas vraiment, car cette vie rangée est secrètement bâtie sur le champ de ruine d’un rêve brisé : avant de devenir enseignant (au grand soulagement de sa mère), Josh cultivait l’ambition de vivre de sa musique. S’il a effleuré le succès aux côtés de son ex-compagne et chanteuse Megan (Juno Temple), sa carrière n’a finalement jamais décollé, lui laissant dans la bouche le goût amer de l’échec et d’une carrière avortée.
C’est d’abord une crise d’angoisse qui le saisit par surprise, puis les premiers signes d’une dépression qui inquiètent son entourage. Josh réalise qu’il n’est pas heureux, rumine ses échecs, et finit par sortir du placard son clavier poussiéreux.
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Concepteur, réalisateur et interprète de la série, Joseph Gordon-Levitt signe avec Mr. Corman une sorte d’autofiction uchronique et interroge son rapport au succès et à la réussite par le truchement d’un alter ego qui n’en aurait connu que les mirages. On sent que cette question vertigineuse – “Que serais-je devenu si… ?” – obsède son auteur qui, en dépit d’un talent sûr et d’une gueule avantageuse, a toujours cultivé un côté guy next door qui imprègne sa filmographie.
La recette du succès
Dans des scènes oniriques qui rappellent l’esthétique bricolée d’un film de Michel Gondry, Josh laisse divaguer son esprit, s’imagine en rockstar, s’improvise chanteur de comédie musicale. Mr. Corman est en quelque sorte le négatif de ces séquences fantasmatiques, et Joseph Gordon-Levitt se projette dans un double de lui-même, loin du star system hollywoodien, pour mieux ausculter de quoi est fait le succès. De talent, indéniablement; d’abnégation, c’est certain; mais aussi d’un soupçon de chance. Cette chance qui, lorsqu’elle vous fait défaut, peut vous laisser sur le bord de la route.
Avec justesse, sans jamais établir le succès et la gloire comme les conditions sine qua non d’une vie réussie, la série sonde les fragments de rêves qui habitent nos pensées les plus enfouies. Tour de force, elle ne sombre jamais dans une philosophie de personal development (“quel est le secret du bonheur ?”, “comment s’accomplir ?”, etc.) qui guette ordinairement de tels exercices. Elle fait plutôt de la crise existentielle d’un trentenaire à la vie en apparence heureuse le ressort d’une interrogation sur les choix – de cœur ou de raison – qui constellent nos existences.
Touchante, souvent drôle, parfois profondément mélancolique, Mr. Corman avance sur un fil ténu entre rêve et réalité, et prouve une fois de plus le talent de son créateur, devant comme derrière la caméra.
Mr. Corman de Joseph Gordon-Levitt. Sur Apple TV+ depuis le 6 août.
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