Aussi maladroite que touchante, Mortel envisage l’acquisition de pouvoirs surnaturels par trois lycéens comme une éclosion à l’autre.
Discrètement ajoutée à son catalogue par Netflix, Mortel parviendra-t-elle à conjurer le maléfice attaché aux productions françaises du géant du streaming ? Si cette histoire d’adolescents pactisant avec une divinité pour élucider la disparition du frère de l’un d’entre eux manque de finesse, elle renvoie Marseille, Plan cœur ou Osmosis dans les cordes et confirme plutôt l’élan de Marianne, qui finissait par séduire par son humilité bricolo.
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Une approche brute de décoffrage
C’est avec une certaine inquiétude que l’on commence à suivre les aventures de Sofiane, Victor et Luisa dans les couloirs du lycée et ses méandres surnaturels. Inquiétude amusée face à l’imaginaire vaudou discount qui s’y déploie, circonspecte quant à ses dialogues surécrits et crispée par sa BO tapageuse. Toute en courtes focales et caméra à l’épaule, la mise en scène d’Édouard Salier et Simon Astier, que l’on a connus adeptes d’une certaine stylisation, est quant à elle emprunte d’une rugosité quasi-amatrice.
Cette approche brute de décoffrage confère pourtant à Mortel une vivacité de trait qui l’inscrit dans un renouveau de la fiction adolescente à la française, dans le sillage de SKAM (sur laquelle le showrunner Frédéric Garcia a officié) et surtout des Grands, son pendant moins bourgeois. Ce n’est pas tant l’intrigue fantastique qui nous touche mais la chronique intime qui se tisse sur son envers.
Mortel germe dans le terreau géographique fécond de la banlieue parisienne, entre barres d’immeubles décrépites et lotissements pavillonnaires un peu éteints, loin du Far West de béton fantasmé par les fictions racoleuses comme de la condescendance maladroite d’un certain cinéma d’auteur. Aidé par de jeunes pousses prometteuses, il y travaille trois archétypes de la fiction adolescente (le trublion charismatique, le timide émotif ou la jeune fille sérieuse) et les entrechoque pour voir quelles étincelles ils produisent.
La série déjoue ainsi le parallèle éculé entre acquisition de facultés surnaturelles et trouble de la puberté pour faire des premières le vecteur d’une connexion humaine. Nécessairement partagé pour être efficient, le pouvoir vaudou n’opère pas tant comme une éclosion à soi que comme une ouverture à l’autre (la figure des hikikomori, ces jeunes cloîtrés dans leur chambre qui se coupent du monde extérieur, est convoquée à juste titre) et se confond peu à peu à l’amitié, à l’amour ou à la transmission. Au fond, les trois héros n’ont pas tant besoin de grandir que d’apprendre à avancer ensemble face à la tempête.
Mortel Disponible sur Netflix
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