David E. Kelley, le créateur d’Ally McBeal, reprend du service avec Monday Mornings qui, comme ses consoeurs, profite du huis clos dramaturgique proposé par un hôpital.
Médecins. Patients. Couloirs. Brancards. Vie sauvées. Vies perdues. Espoirs. Déprime. Opérations. Sang. Cicatrices. La litanie est connue. Trop connue ? À voir. Regarder des feuilletons veut dire parfois chercher des espaces balisés, répétés à l’infini, pour se lover dedans. Depuis des décennies, les séries médicales existent. Depuis des décennies, les bonnes séries médicales sont rares. Monday Mornings, qui vient de débuter aux États-Unis, va-t-elle en faire partie ? Il y a quelques raisons de l’espérer.
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La première bonne raison de jeter un oeil sur la vie de cet hôpital factice de Portland, Oregon, tient au regard qu’elle propose sur le genre. Schématiquement, les dernières décennies se sont partagées entre deux options. Celle, à la fois messianique et réaliste d‘Urgences (1994-2009), seize saisons de drames personnels et sociaux dans une Amérique en bordel, modèle ultime du medical drama moderne. Et, en 2005, est apparue la version comédie romantique, prônée par Shonda Rhimes et Grey’s Anatomy, qui dure encore aujourd’hui et s’essouffle. On reconnaît un peu des deux matrices dans Monday Mornings, qui profite comme ses devancières du formidable huis clos dramaturgique proposé par un hôpital. Mais un petit pas de côté bienvenu nous écarte de l’autoroute.
Adaptée d’un best-seller de Sanjay Gupta, la série se démarque par un rituel récurrent. Sous l’impulsion du chef de service (Alfred Molina, impressionnant), les chirurgiens se retrouvent chaque lundi matin dans un amphithéâtre pour une séance d’autocritique. À travers l’évocation d’un cas, le docteur concerné retrace pas à pas ses décisions et doit rendre des comptes à ses collègues comme à la morale. Ce double rythme de la fiction, où l’action est redoublée par l’analyse, donne à la série sa singularité. Les médecins de Monday Mornings ne sont pas sanctionnés par la vie comme ceux d‘Urgences, dont certains tombaient malades, passant ainsi de l’autre côté. Mais l’introspection fait partie de leur quotidien et il leur arrive de se tromper. Une option moins métaphysique et pourtant intéressante. On rêve d’une série policière sur le même modèle, scrutant les bavures et relevant les abus.
La seconde raison majeure de se pencher au chevet de Monday Mornings tient à son co-créateur. Après ses débuts auprès de Steven Bochco, l’ancien avocat David E. Kelley a régné sur la télévision américaine, cumulant les succès, de Chicago Hope (une autre série médicale, 1994-2000) à The Practice (1997-2004) et Ally McBeal (1997-2002). Personne, mis à part Aaron Sorkin (À la Maison Blanche), n’écrivait autant et aussi bien que lui. Après deux autres coups d’éclat dans les années 2000, Boston Public et Boston Legal, Kelley a vécu l’échec, jusqu’à disparaître quasiment des radars. Qui, parmi les nouveaux amateurs du petit écran, connaît son importance, son art de la série grand public décalée, sa noirceur teintée de féerie ? Tous ces éléments sont présents dans Monday Mornings, où l’on passe brutalement d’une scène romantique à un dilemme éthique, d’une opération gore à un instant mélo. Sans oublier le rituel de l’autocritique et ses joutes verbales qui rappellent les grandes séries judiciaires de Kelley.
Évidemment, le cocktail est moins frais aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Le mélange obligatoire entre vie professionnelle et vie privée semble importé des années 90. Mais le talent de Kelley palpite. Le mari de Michelle Pfeiffer possède cette capacité naturelle à faire vivre en quelques scènes un univers dont on est persuadé qu’il existe depuis dix ans et qu’il pourrait encore tenir debout pendant dix ans. Que demander de plus à une série ?
Monday Mornings Sur TNT (États-Unis) et iTunes
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