Sexy, brûlante, dure : l’excellente série anglaise traîne ses superhéros dans la boue.
Personne n’en a jamais terminé avec l’adolescence. Et surtout pas les séries. Le genre teen submerge les écrans depuis sa création (question de cible publicitaire) et rivalise souvent d’audace, malgré les apparences (question de tempérament). Une série ado n’est pas forcément idiote, loin de là.
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Souvent, des personnages un peu cons sur les bords rendent d’ailleurs les scénaristes et le spectateur plus intelligents. Et la question, au fond, ne réside même pas dans cette alternative simpliste. Le rôle de toute bonne fiction ado est d’abord de montrer ce qui déborde (les hormones, l’humour, l’angoisse), et c’est donc une fiction de l’excès. Ce qui caractérise Misfits avant toute autre étiquette.
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Née en Angleterre à la fin 2009, cette création de Howard Overman pour la chaîne E4 (déjà diffuseur de Skins) est plus ou moins inspirée d’une série américaine des années 80 avec Courteney Cox, Misfits of Science. Mais tout y est actuel et nouveau, à commencer par les personnages, une bande de jeunes gens déconneurs, condamnés à réaliser des travaux d’intérêt général dans un coin désolé et poétique au bord de la Tamise.
Un magma dramaturgique en constante ébullition
On compte trois garçons (Nathan, Simon, Curtis) et deux filles (Kelly, Alisha), qui se tapent pour leur premier jour l’orage de leur vie, et en ressortent transformés. Electrisés par de violents éclairs, ils se découvrent chacun un pouvoir qu’ils maîtrisent et apprécient plus ou moins – coucou Heroes, diront les mauvaises langues. Invisibilité, télépathie, capacité à éveiller un violent désir sexuel, tout est lié à des problématiques certes partagées par tous, mais d’abord cruciales pour des ados en recherche constante et décisive d’identité.
C’est bien sûr l’éternelle narration des découvertes et des premières fois qui prévaut dans Misfits (comme dans son antithèse Gossip Girl, comme dans Freaks and Geeks), avec une intelligence au-dessus de la moyenne. Au diapason de ses acteurs fulgurants (Lauren Socha et Robert Sheehan en tête), la série parvient à dégager un vrai magma dramaturgique en constante ébullition, travaillant au corps des thématiques souvent violentes.
Ici, l’adolescence est perçue moins comme une souffrance que comme une radicale étrangeté. Une autre perception du monde se déploie à travers les personnages, au sens littéral du terme. Les scènes les plus fortes ont lieu sous l’effet d’une transe musicale (le générique donne le ton, avec le morceau Echoes de The Rapture) ou d’un travail graphique marqué. L’irruption du fantastique et des états drogués se fait en toute simplicité. Ça fume, ça boit, ça gobe, ça baise, ça hurle. Les visions s’accumulent. Le monde se déforme au passage des ados bizarres de Misfits, mais c’est le seul moyen qu’ils ont trouvé pour avancer.
Tous se débattent avec de graves problèmes intimes ou familiaux, et n’en sortiront probablement pas avant un moment. Les choses ne font d’ailleurs qu’empirer entre les saisons 1 et 2, qu’il est permis d’absorber d’un seul trait, comme un alcool fort.
Bien sûr, tout n’est pas parfait dans Misfits. La série prend parfois le risque de se brûler les ailes à force de viser l’incandescence et la dureté à tous moments. Elle devrait savoir parfois se refroidir un peu, pour mieux nous réchauffer d’un seul coup juste après. Une simple question d’équilibre. Mais l’essentiel demeure, et au-delà.
Précision utile : cet objet étrange est avant tout un genre de comédie. British, un peu glauque, sexuelle et triste. Tout ce qu’on aime dans le pays de la bière, de la pop et des séries.
Olivier Joyard
Misfits saison 2 sur Orange Ciné Choc à partir du 17 avril, 20 h 40. Saison 1 en DVD (Koba Films) le 27 avril.
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