Inoubliable dans le rôle du gangster queer Omar, l’acteur Michael K. Williams est mort lundi 6 septembre à New York à l’âge de 54 ans.
Un autre grand acteur est mort ce lundi. Retrouvé sans vie dans son appartement new-yorkais, Michael K. Williams a quitté la scène beaucoup trop jeune, avant d’avoir 55 ans, provoquant une émotion énorme. À la hauteur de celle qu’il avait offerte à des millions de personnes happées par The Wire. Dans la magnifique série sociale et politique années 2000 de David Simon, Omar – le nom de son personnage – avançait vêtu de grandes capes, parfois armé d’un fusil à pompe. Toutes les rues de Baltimore semblaient s’écarter devant lui, les petites frappes effrayées par cet ange funeste criaient “Omar comin’” (“Omar arrive”) et un petit sifflement accompagnait ses chevauchées post-western.
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Un cliché ? À peu près le contraire, en réalité. Homme noir et gay, Omar retournait le stéréotype du héros américain classique, mais aussi celui du “gangsta”, pour les emmener vers des sommets d’ambiguïté, de douceur et de férocité, le tout dans un seul mouvement impressionnant et magnétique. Apparu dans le troisième épisode de la série, Omar y resté quasiment jusqu’à la fin. On peut revoir The Wire pour pleurer le talent exceptionnel de Michael K. Williams, sa manière brute et fragile d’incarner un type de la rue devenu créature mythologique.
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Addiction
Au départ, le gamin de New York était danseur. Une carrière entamée par quelques galères, au point de devenir SDF, mais finalement stabilisée via des tournées avec Madonna et des apparitions dans une cinquantaine de clips, dont celui de Killer de George Michael réalisé par Marcus Nispel. Sur le plateau, Michael K. Williams a une révélation quand le vidéaste lui demande d’exprimer douleur et émotion. Il se rend compte qu’il sait faire, inscrit “acteur” sur son CV. Tout commence quand Tupac Shakur le repère sur un Polaroïd et l’embauche à ses côtés sur le film Bullet. Bientôt, sa cicatrice découpant son front en deux, souvenir d’une baston dans un bar le jour de ses 25 ans, attire l’œil autant que sa candeur et sa grande gentillesse – celles et ceux qui ont travaillé avec lui sont unanimes depuis sa mort, de Wendell Pierce à David Simon.
En plus de The Wire, Michael K. Williams a traversé les séries (principalement) et pas des moindres, de Alias à Community, de Lovecraft Country à The Night Of, When They See Us ou encore Boardwalk Empire, la saga HBO sur le crime organisé à Atlantic City dans les années 1920, où il incarnait Chalky White – son rôle le plus marquant après The Wire.
Au cinéma, on l’a vu dans Gone, Baby Gone, 12 Years a Slave notamment. Le natif de Brooklyn a montré la voie à de nombreux jeunes acteurs et actrices noires. Il a aussi probablement succombé – une enquête est en cours – à son addiction à la drogue, comme beaucoup trop d’Américain·es de son origine fauché·es en plein vol. Pour tenter de lutter contre ce que David Simon nommait à travers les mots d’un personnage de The Corner un “holocauste”, Michael K. Williams parlait souvent aux journalistes de ses glissements vers le précipice. Comme ce jour de 2012, au New Jersey Star Ledger : “Je me suis souvent dit : pourquoi moi ? Pourquoi j’ai été épargné ? J’aurais dû mourir. J’ai les cicatrices. J’ai enfoui ma tête dans la gueule du loup. De toute évidence, Dieu m’a donné un but. Alors, j’ai décidé de devenir clean et d’en parler. J’espère au moins atteindre une personne”.
The Wire (2002-2008) est visible sur OCS.
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