Chuck Lorre, le père des geeks de The Big Bang Theory passe, avec La Méthode Kominsky, au duo de potes sexygénaires. Une silver comédie piquante à s’enfiler en pantoufles pendant les soirées d’hiver.
Le plus drôle avec Netflix (ou le plus effrayant, selon le point de vue) tient à son absence de remords dans l’utilisation systématique des algorithmes, quasiment jusqu’à l’absurde. Prenons l’exemple d’un genre plutôt rare sur les écrans depuis des décennies : la série de vieux. Depuis Les Craquantes – dont le burlesque bitchy des années 1980 pouvait être compris par tous les publics –, les chaînes mainstream avaient globalement lâché l’affaire, incapables de trouver un angle rassembleur.
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Le géant du streaming n’a pas vraiment ce problème et sur sa plate-forme, la question du divertissement familial et/ou transgénérationnel se pose autrement. D’où la conclusion suivante : une série de vieux, sur Netflix, c’est vraiment une série de vieux. Notons au passage que ce n’est pas forcément une tare.
Deux hommes plus ou moins en bout de course
La Méthode Kominsky met en scène deux hommes plus ou moins en bout de course à Los Angeles : Norman Newlander (Alan Arkin), un célèbre agent d’Hollywood qui a allègrement dépassé les 80 ans, et Sandy Kominsky (Michael Douglas), célibataire endurci de dix ans plus jeune que lui. Ils sont meilleurs amis, d’autant que le premier gère depuis les années 1970 la carrière du second, qui n’a pas vraiment décollé.
En plus de courir les castings de publicités minables – quand il est d’humeur –, Sandy est devenu un professeur reconnu et plutôt désabusé auprès de désinvoltes jeunes pousses (mais pas seulement) à la recherche de gloire et de conseils miracles pour devenir les meilleur.e.s comédien.ne.s.
Face à lui, donc, une génération capable de regarder devant, ce qui a le don de l’agacer prodigieusement. Ce n’est pas la meilleur part de la série. Les personnages qui gravitent dans ces scènes, notamment un blond bébête à cheveux longs, une jeune noire, ne transgenre, n’existent quasiment pas, ou à travers des clichés éculés, censés faire comprendre que, décidément, le monde change. Quelle nouvelle !
Le sexagénaire Chuck Lorre, roi de la sitcom depuis une vingtaine d’années
Cette misanthropie n’est pas complètement celle du personnage, elle suinte plutôt du point de vue exprimé par l’écriture. En somme, elle appartient davantage au créateur et scénariste principal, le sexagénaire Chuck Lorre, roi de la sitcom depuis une vingtaine d’années (Roseanne, The Big Bang Theory, Mum) et type respectable connu pour son fond mélancolique. Lorre s’essaie pour la première fois à une approche “sérieuse” – même si le ton reste celui d’une comédie piquante.
Mais dans le cadre de La Méthode Kominsky, son manque de rapport fort à l’altérité apparaît comme un aveu de faiblesse : au-delà des élèves, la série ne fait qu’effleurer à peu près toutes celles et tous ceux qui gravitent autour du duo central, mise à part une quinquagénaire dont s’entiche Sandy.
C’est ailleurs qu’il faut chercher un intérêt à ces huit épisodes, quand ils restent collés aux deux héros vieillissants – mais globalement aisés, ne déconnons pas. A ce petit jeu des problèmes de prostate, mais aussi de la terreur de vivre et mourir, La Méthode Kominsky parvient à dérouler une petite musique attachante avec une simplicité bienvenue.
Le charme d’un humour souvent morbide
Entre Norman, machine à vannes touchée par la disparition de sa femme, et Sandy, qui cherche à ne pas finir sa vie seul en homme trois fois divorcé, une masculinité contrariée s’exprime sans détour, un sentiment de détachement du monde s’incarne avec douceur.
Lorre possède un sens de l’ironie assez fin qui tient ses personnages éloignés de la pleurnicherie, en contraste avec un humour à gros sabots mais souvent vivifiant. Les acteurs s’amusent en traînant la patte et, de l’autre côté de l’écran, cette première saison s’avale en quelques heures qui coïncident assez justement avec l’entrée dans l’hiver.
Par rapport à Grace et Frankie, l’autre série sur des septuagénaires – deux femmes, jouées par Jane Fonda et Lily Tomlin – proposée par Netflix, La Méthode Kominsky manque presque totalement d’évoquer la sexualité et se montre globalement moins étonnante. Mais le charme de son humour souvent morbide ne s’oublie pas si facilement.
La Méthode Kominsky Saison 1, sur Netflix
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