On retrouve Tim Burton derrière ce projet teenage et gothique à la fois daté et mollasson.
Sur le papier, c’est un projet taillé sur mesure pour Tim Burton. Et si le cinéaste n’est pas à l’origine de Mercredi – du nom de la cadette de la célèbre famille Addams – il y officie en tant que producteur exécutif, et signe la réalisation de 4 épisodes. S’étant attaché les services du réalisateur d’Edward aux mains d’argent, les créateurs Alfred Gough et Miles Millar pouvaient déployer allègrement toute la panoplie burtonienne : humour macabre, esthétique gothique éprouvée, musique signée Danny Elfman…
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Mais l’imaginaire très connoté du cinéaste, qui a régné en maître sur tout un pan du cinéma fantastique de la fin des années 1980 à la fin des années 2000, peut sembler aujourd’hui légèrement suranné. Aussi fallait-il nécessairement incorporer quelques oripeaux générationnels – quitte à zyeuter coupablement vers la concurrence – pour dissiper toute odeur de naphtaline. Pari réussi ?
Le décalage entre le mode de vie des Addams et celui de leurs contemporains a toujours été l’ancrage humoristique de La Famille Addams, du cartoon originel, publié dans les pages du New Yorker dès 1938, aux films des années 1990, cultes pour pas mal de marmots d’alors. En se concentrant sur les aventures facétieuses et joyeusement macabres de Mercredi, cadette de la famille à l’esprit rebelle, prototype de l’ado gothique au regard éternellement mutin, Netflix procède à un double décalage. Parce qu’elle a fait régner la terreur dans son lycée (en témoigne le bully en chef, dépossédé d’un testicule après un lâcher de piranhas dans la piscine du bahut), Mercredi est contrainte de rejoindre la très particulière académie Nevermore, peuplée de freaks comme elle, parmi lesquels on compte vampires et loups-garous. Mais même dans les travées lugubres de Nevermore, Mercredi se sent en décalage avec ses étranges congénères, qui, comme ailleurs, passent le plus clair de leur temps un smartphone soudé à la main à commérer sur les réseaux sociaux. De freak parmi les normies, la voilà freak parmi les freaks.
Une série qui s’inspire trop de la concurrence
La difficile intégration de Mercredi dans son académie livre, en souterrain, la difficulté qu’a la série à concilier ses deux régimes de fiction : d’un côté, la comédie noire héritière de la franchise et sous influence burtonienne, de l’autre la série teen censément branchée sur son époque. Pas très à l’aise dans le premier, sinon pour émuler le style d’un cinéaste qui semble désormais s’auto-parodier, Mercredi l’est encore moins dans le deuxième, constellation maladroite de références lourdement adressées aux millenials. Alors, pour pallier l’insuffisance de son écriture, la série pioche sans vergogne dans la grande marmite de la série teen contemporaine (Sex Education par-ci, Riverdale par-là…) ou dans des références rassembleuses (Harry Potter pour son école de sorcier·ères) dont elle ne tutoie jamais l’ampleur.
Mise en scène molle et sans passion
Calibrée pour un public ado pas trop regardant, Mercredi n’est pas la série gothique un peu malotrue qu’on aurait pu attendre, mais une petite chose gentillette et inoffensive. Passant de la comédie noire à la fiction teen, non sans quelques détours par la série policière ascendant fantastique (puisqu’il y est question d’une mystérieuse série de meurtres qui affole Nevermore), la série veut trop en faire et trop en mettre, mais se perd à force d’excroissances. Si Jenna Ortega (récemment aperçue dans X de Ti West) reprend avec justesse le flambeau glacial laissé par Christinia Ricci dans le rôle titre, Tim Burton se contente de filmer mollement et sans passion cet univers gothique pourtant voisin du sien.
Mercredi, avec Jenna Ortega, disponible sur Netflix.
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